Météorologie et Climat

Quelques remarques sur la météo à DDU.

Voici le temps qu’il fait à DDU en ce moment, d’après la station Infoclimat que nous maintenons.

Et voici une représentation à plus grande échelle proposée par Windy à partir des données du modèle de prévision du temps du Centre Européen de Prévision Météorologique.

En ce qui concerne le climat en Antarctique, vous trouverez quelques informations sur le blog d’Adrien (TA72-2022).

Et une synthèse climatique de la TA72 sur le blog d’Emmanuel.

Banquise et changement climatique

Débâcle de décembre 2023

Cette débâcle de la banquise de Dumont d’Urville en décembre 2023 (jusque le jour de mon arrivée à DDU) est tout à fait normale : la glace de mer antarctique disparait jusqu’au continent en été.

C’est son étendue qui pose question avec les changements climatiques

Le constat d’un changement

Pendant des décennies, les scientifiques ont observé la diminution de l’étendue de la banquise arctique à mesure que le climat se réchauffait. Jusqu’à présent, ils n’avaient pas encore constaté de tendance définitive pour la glace de mer antarctique. Cependant, tout au long de l’hiver austral 2023, l’étendue de la glace de mer a été bien inférieure à celle des hivers précédents.

Aujourd’hui, les scientifiques sont impatients de savoir si le changement climatique a finalement rattrapé la banquise de l’Antarctique. Plusieurs études récentes tendent à montrer que le coupable de ces changements est la température des océans. Le changement climatique agit sur l’Antarctique, mais l’océan austral, vaste et profond, réagit beaucoup plus lentement aux changements de température que l’Arctique.

Contrairement à dans l’hémisphère nord, les instruments installés sur les plateformes de glace de l’Antarctique, la banquise, et même la glace de terre et les nunataks, ne survivent pas aux hivers brutaux et aux vents violents du continent. C’est pourquoi il existe peu de données sur le terrain permettant d’analyser l’évolution de la banquise et de l’océan qui l’entoure. Pour l’instant, les analyses statistiques basées sur les relevés de l’étendue de la banquise, qui sont tirés des données satellitaires, sont les plus à même d’indiquer un changement. D’un point de vue statistique, tout porte à croire que l’Antarctique a abruptement passé un cap, qui laisse présager un changement de régime.

Étendue de la banquise Antarctique par rapport à la moyenne 1979-2022.Une analyse statistique a révélé deux points de changement, séparant la série temporelle en trois périodes : novembre 1978 à août 2007 (gris), septembre 2007 à août 2016 (bleu) et septembre 2016 à juin 2023 (orange). Les lignes horizontales représentent les moyennes pour chaque période. La période de basses glaces de ces dernières années coïncide avec une période de réchauffement de l’océan Austral. – Crédit : graphique NOAA Climate.gov, adapté de Purich, et al. 2023

Non seulement la variabilité a considérablement augmenté après 2007, mais les écarts par rapport à la moyenne ont duré plus longtemps. Ainsi, les minima sont restés bas plus longtemps, et les maxima sont restés hauts plus longtemps. La banquise antarctique semble mettre plus de temps à se remettre de ses faibles étendues. On suppose que cette « nouvelle » glace est plus fine qu’il y a quelques décennies, mais là encore, de meilleurs instruments et données satellitaires sont nécessaires pour mesurer l’épaisseur de la banquise. En plus, si la faible étendue de la banquise dominait autrefois uniquement certaines zones, en particulier près de la péninsule antarctique, aujourd’hui, tous les secteurs entourant l’Antarctique réagissent ensemble. C’est ce que l’on appelle la cohérence spatiale. C’est encore le signe que quelque chose est en train de changer pour la banquise de l’Antarctique, pas seulement dans certaines zones, pas seulement certaines années, mais sur de plus grandes échelles et pour de plus longues périodes.

Les conditions atmosphériques ont dû influencer les niveaux de banquise dans un sens ou dans l’autre. Mais les facteurs climatiques à grande échelle, tels que le mode annulaire austral ou l’oscillation australe El Niño, n’expliquent pas ces écarts importants. La période la plus récente de minima records est en corrélation avec le réchauffement de l’océan Austral. En 2023, la température moyenne à la surface de l’océan mondial a dépassé pour la première fois 1°C.

L’océan Austral absorbe jusqu’à 75% de la chaleur et 40% du dioxyde de carbone généré par l’homme dans les océans de la planète. Sans son rôle de puits de carbone, les températures atmosphériques seraient considérablement plus élevées.

La banquise joue également un rôle essentiel dans les mécanismes d’absorption de la chaleur. Lorsque la couche supérieure de l’océan gèle, elle expulse la majeure partie de son sel. L’eau froide et salée est plus dense. Elle s’enfonce profondément dans l’Océan Austral, alimentant la circulation océanique mondiale et permettant à l’océan Austral d’absorber de la chaleur. C’est la circulation thermohaline. Avec la fonte de la banquise et l’avancée des glaciers, une masse d’eau plus légère se crée à la surface de l’Océan, ce qui perturbe la circulation thermohaline. Ainsi, la capacité des océans à stocker de la chaleur ne fait que diminuer avec le réchauffement. Le réchauffement pourrait conduire à l’effondrement de l’inlandsis de l’Antarctique occidental, ce qui entraînerait une élévation du niveau de la mer de 5,3m.

Climat de mon hivernage

Mois par mois

Je suis en Antarctique. Vous vous doutez qu’il fait froid. Est ce que vous savez à quel point ?

Les températures à Dumont d’Urville sont très acceptables comparées à celle de Concordia ou de n’importe quelle base située sur le plateau antarctique. Nous sommes sur la côte. Les maximales sont positives en été. Et en hiver, on descend en moyenne jusqu’à -20°C. Si l’Antarctique n’est pas habitée de façon permanente, les températures de DDU correspondent à des celles de zones habitées dans le monde.

La température est restée plus froide que la moyenne jusqu’en juillet. Puis nous avons eu plus de perturbations et les températures sont passées au-dessus de la moyenne. Cette température bien froide nous a aidé en fabriquant une belle banquise bien épaisse et perenne dès les premières semaines de l’hivernage.

De la même façon, jusqu’à juillet le vent était bien plus faible que la normale. Par exemple peu de jours où le vent a dépassé 100 km/h, mais quelques uns quand même ( on est en Antarctique ). Puis le cœur de l’hiver a finalement été plus venté. Et la fin de l’hivernage a été dans la moyenne.

On a eu un temps magnifique : très peu nuageux jusqu’en juillet et finalement très proche des normales au cœur de l’hiver, quand on avait quasi plus de soleil.

Et pour finir, normalement, il neige beaucoup à DDU. Les cumuls sont impressionnants, et les congères gigantesques d’après les anciens hivernants. Les agents techniques savent que cela peut poser de réelles difficultés : déneigement quotidien ou fermeture des accès de secours au risque de nous mettre en danger. Nous n’avons quasiment pas eu de neige en 2024. Les occurrences mensuelles ci-dessus représentent les jours où on a vu des flocons (pas tant que cela) et nous avons eu très peu de cumul.

A chacun son hivernage

En venant à Dumont d’Urville, nous ne vivons pas tous la même campagne d’été :

On voit sur le graphique ci-dessus chaque année placée depuis 1957 en fonction de ses moyennes de températures (en ordonnée) et d’insolation (en abscisse) sur les mois de décembre à février (l’été). La moyenne des années entre décembre 1957 et décembre 2023 est tracée en vert. On constate que la campagne d’été 2023-2024 est plutôt froide et ensoleillée par rapport aux autres années et surtout par rapport à la campagne 2022-2023 qui était plutôt nuageuse.

De la même façon, nous ne vivons pas tous le même hivernage :

On voit sur le graphique ci-dessus que les deux dernières années (2022 et 2023) ont été plutôt douces en températures et nuageuses par rapport à la moyenne des années 1957-2024 sur la période de mars à septembre (l’hiver). L’hiver 2024 a été plutôt froid et ensoleillé.