Avant d’aller plus loin dans le récit de mes aventures. Je pense qu’il est temps de préciser un peu où je vais passer mon hivernage.
Terre Adélie
Amusez-vous à trouver Dumont d’Urville sur la Carte.
Oui, vous le savez, c’est en Antarctique. Dans une station française qui s’appelle Dumont d’Urville. Elle se situe au sud de la Tasmanie en Terre Adélie. Dumont d’Urville ne se trouve donc pas au sud de la France.
En rouge, la terre Adélie
Ile des Pétrels
La station se situe sur une île, parmi les nombreuses îles de la côte.
Dumont d’Urville (DDU) se situe sur l’Ile des Pétrels, une des îles de l’Archipel de Pointe Géologie. Ainsi, elle n’est pas à proprement parler sur le continent Antarctique, mais à 5km à peine. La station française de Cap Prudhomme (qui n’est ouverte qu’en été) se trouve, elle, sur le continent.
Zones restreintes
Quand la banquise est présente, on peut passer à pied d’une île à l’autre, par exemple de Pétrels à Rostand à Bernard, voire aller jusqu’à Bélier ou Capricorne et même bien plus loin. Mais au fur et à mesure que l’été progresse, la banquise est de plus en plus fine et il est de plus en plus périlleux d’y aller. La banquise devient progressivement interdite d’accès.
Exemple de zonage banquise (janvier 2024) : La zone 1 est accessible à tous, la zone 2, il faut partir à 2, la zone 3, il faut partir à trois. La ZSPA (zone spécialement protégée de l’Antarctique) est une zone interdite pour la protection des espèces sauvage. Il est également interdit d’aller au Nunatak et sur la manchotière des manchots Empereurs.
Ensuite, l’Ile des Pétrels possède de nombreuses zones dédiées à la science, où il est interdit d’aller sans autorisation, parce que notre présence fausserait les mesures.
Zones réservées principalement à la collecte de mesures. Les mesures magnétiques pourraient être faussées par le fer que nous portons. Les mesures sismologiques par nos pas, etc.
Base de Dumont d’Urville
Il s’agit d’un ensemble de bâtiments. Chacun a son utilité propre depuis le dortoir jusqu’à la menuiserie. Ils sont reliés par des passerelles et sur-élevés pour les plus grands. L’île est couverte de bâtiments de toute sorte (depuis l’immeuble à 1étage au shelter de 4m2). Mais l’activité principale se trouve autour du séjour (B031).
Amusez-vous à trouver le B031
Les personnels techniques en particulier par les bâtiments en donnant leur numéro. Ainsi le dortoir d’hiver (où je dors) c’est le 42.
Bureaux de la météo
Les bureaux de la météo se situent dans le 25 (le BT) à la pointe Ouest de la station. Et vraiment tout à l’ouest, on accède par une passerelle à l’abri de radiosondage (d’où on lance les ballons-sonde).
L’Astrolabe est arrivé le pack était cassé. La débâcle a eu lieu dans la nuit juste avant notre arrivée.
Vidéo de la débâcle à DDU par la caméra du BT
Quand je suis arrivée aux abords de Dumont d’Urville (DDU), j’ai vu mes premiers manchots Adélie. Les tous premiers que j’ai vu se déplaçaient sur un morceau de banquise, récemment débâclée. Je les ai trouvés tellement mignons. Vraiment trop choux, ces toutes petites créatures qui jaillissent de l’eau et se déplacent en bandes. Ma réaction d’émerveillement a fait rire Gérald, un campagnard d’été. Les campagnards sont manutentionnaires, plongeurs, conducteurs d’engins, soudeurs, plombiers, électriciens… Ils viennent à Dumont d’Urville les quelques mois d’été mais repartent avant l’hivernage. Ils viennent la plupart d’une année sur l’autre. La banquise… les manchots… ils connaissent ! Et personne ne trouve les manchots Adélie mignons très longtemps.
Un phoque sur un morceau de banquise
Depuis l’île des Pétrels, ou la piste du Lion, où l’Astrolabe doit s’amarrer, on voit le glacier de l’Astrolabe.
Le continent Antarctique
La glace du glacier est plus transparente et plus bleue que la glace de mer, qui est bien blanche. C’est magnifique.
Le glacier de l’Astrolabe
Le jour le plus long
Bref, nous sommes arrivés le 12 décembre 2023 au matin.
Nous avons vu le ballon-sonde des collègues partir à 9h00… et puis, nous sommes repartis faire les tours de bateau.
On fait des ronds dans la banquise
A ce stade, il fallait attendre que le personnel du port soit près à nous accueillir et mette en place le quai. Donc nous sommes restés à faire des ronds dans l’eau jusqu’à 12h. L’Astrolabe cassait la glace. Donc nous avons mangé le repas de midi sur le bateau.
Quand nous sommes entrés dans l’Anse du Lion (cf. cartographie de DDU), le bateau a beaucoup perturbé les manchots qui ont l’habitude de plonger à cet endroit.
On voit depuis l’Astrolabe deux colonies de manchots : des Empereurs et des Adélies
Et là, c’est le drame. Un résidu de banquise est venu se loger entre le quai et bateau.
Le fameux petit bout de banquise qui nous empêche de débarquer
On a eu un mal fou à l’évacuer. Comment un bout de glace du tier de la surface d’un brise-glace peut-il empêcher un débarquement ? Il faut le voit pour le comprendre. Le brise-glace ne pouvait pas le casser en montant dessus car le morceau de glace se déplaçait avec les vagues. Nous étions trop loin de quelques mètres pour débarquer. Il fallait réussir à l’évacuer, mais comment ? En repartant et revenant sous un autre angle quelques fois ? Ca n’a pas marché. C’est en tapant dessus avec un tractor-Pelle qu’on a réussi à le casser, puis évacuer les morceaux. C’était un avant goût des nombreuses contraintes techniques avec lesquelles on doit vivre en Antarctique.
L’engin qui tape sur le glaçons
Accueil à la base
Emilie, la médecin, et les météos de la TA73 (Terre-Adélie 73 – Les hivernants de l’année précédente) sont venus nous chercher sur la quai. Ils ont dû attendre longtemps.
Ils nous ont montré les bâtiments. Nos chambres et nos affaires nous attendaient. Je partage ma chambre avec Lise (la menuisière).
Accueil des nouveaux
Le lendemain, nous avons eu un accueil au séjour, histoire de parler des quelques règles de vie sur la base.
Manchots Adélie au coeur de la base
Puis nous sommes partis sur la banquise pour une formation sur le comportement qu’il faut avoir.
Première sortie : des ornithologues dans les rochers et des phoques sur la banquise.
Est-ce que vous saviez que Thomas Pesquet a séjourné sur la base de Dumont d’Urville ? Bon, j’avais déjà pris le bus avec lui en allant sur le port d’Hobart. J’allais y séjourné, il allait faire un test Covid. Et comme dirait Lise :
« Ma sœur me dit : « Tu ouvriras l’oeil. Il y a Thomas Pesquet sur la base. » — C’est pas comme si je l’avais croisé en calbut en allant à la salle de bain cette nuit. ».
Devinez qui est de dos en doudoune noire
Thomas Pesquet, tout le monde en parle. Mais durant la passation, on avait autre chose à faire que des selfies. Avec Pauline, nous lui avons présenté la météo. Il nous a fait une belle présentation le jeudi suivant sur son travail et ses projets. Mais le fait que les visites des officiels (lui et Olivier Poivre d’Arvor, dans un premier temps, puis des députés et la préfète des TAAF dans un second) nous ont pris beaucoup de temps, sur un temps de passation qui était déjà trop court.
Mal de Terre
Une dernière chose : Les premiers jours sont compliqués parce qu’on a le mal de terre. Ne riez pas. Je n’ai pas eu beaucoup de mal de mer. Je suis chanceuse. Mais le sol de la station a tangué autour de moi pendant plusieurs jours en arrivant sur la base.
L’Astrolabe nous amène de Hobart à DDU. Mais il sert aussi à la recherche scientifique. Des aménagements particuliers ont été réalisés pour faire des prélèvements : au moins une rampe de lancement des sondes XBT et un robinet de prélèvement d’eau de mer. Deux projets s’y déroulaient durant ma traversée. Ils se plaçaient tous deux dans le cadre d’une meilleure connaissance de l’océan global.
Profils de température par XBT
Dans l’Astrolabe, je partageais mon poste (ma chambre) avec deux scientifiques qui se relayaient pour faire des mesures de profils de température tout au long de la traversée entre Hobart et Dumont d’Urville. Comme chez les marins, elles faisaient des quarts. Il ne fallait pas faire de bruit, ni la nuit, ni le jour parce qu’il y avait toujours quelqu’une qui dormait dans la chambre.
J’ai eu la chance de participer pendant quelques heures à leur programme scientifique. Elisa avait pour projet de valider une paramétrisation de hauteur de l’océan en combinant 1/ la fauchée d’un satellite défilant qui passait juste au-dessus de l’Astrolabe entre Hobart et Macquarie (qui lui donnait cette hauteur) et 2/ les profils de températures de l’océan que nous allions mesurer à l’aide de sondes XBT.
Ordinateur de l’acquisition des données avec la trajectoire du bateau.
Les profils étaient mesurés toutes les heures ou toutes les deux heures durant la majeure partie de la traversée. Mais sur certaines portions de notre voyage (quand nous étions sous la fauchée du satellite) nous passions en période d’observation intensive durant laquelle les sondes étaient lancées toutes les 20min.
Les sondes XBT
En général, nous étions 2 ou 3 par équipe et nous lancions les sondes durant 2h avant d’être relayés. Quand le bateau penche d’un coté, il faut lancer du coté qui n’est pas libre d’eau. Donc en fonction du vent, le lancer ne se fait pas toujours du coté de l’ordinateur qui fait l’acquisition des données. Il faut faire le lancer, puis revenir pour visualiser l’acquisition.
La rampe pour lancer les XBT (fermée) dans la cale de l’Astrolabe
C’est compliqué de passer de bâbord à tribord entre chaque lancer.
Chemin difficile d’accès que nous empruntions entre bâbord et tribord
Isotopes
Un autre projet consistait à prélever des échantillons d’eau de mer pour mesurer le rapport isotopique entre l’oxygène 16 et l’oxygène 18 sur le trajet. Une fiole numérotée est remplie toutes les heures. Ouvrir un robinet, c’est beaucoup moins contraignant que de travailler sur les sondes XBT et on peut le faire seul.
Robinet pour remplir les fioles Fioles étiquetées
Dans la cale
Les deux projets se déroulent dans la cale de l’Astrolabe. Il s’agit de l’entrepôt de la cargaison. On y fait du sport, en particulier sur un vélo d’appartement. Comme tous les meubles du bateau, il est bien attaché au sol.
Vélo d’appartement de la cale de l’Astrolabe.
La pièce est vaste et encombrée.
La cale vue de dessus.
Elle est bruyante, froide et humide.
Cordages dans le passage avec quelques traces d’eau au fond.
Si on était seul durant les expériences, ce serait un peu triste de se sacrifier ainsi pour la science.
L’Astrolabe est un bateau militaire, démilitarisé pour cette mission entre Hobart et Dumont d’Urville. Il fait 72 m de long et est constitué de 8 étages. C’est un très petit brise glace. Nous sommes une soixantaine à bord, dont une vingtaine de marins.
Vivre sur l’Astrolabe demande d’acquérir tout un vocabulaire. La coupée, c’est la passerelle qui relie le quai au bateau. Elle se fixe à différents étages du bateau en fonction de la hauteur du quai. La passerelle, elle, est le poste de conduite du bateau, juste au-dessous de la mature sur laquelle sont fixés les instruments, comme le radar et le nid de pie, qui est un poste d’observation. Un pont est un étage. La rampe, c’est là où on pose le plateau de la cantine. Les couloirs sont les coursives et les coursives extérieures s’appellent des passes. Les escaliers se disent des échappées. Ma chambre est un poste. Mon lit se dit : banette, niche ou caille. Quand on est en mode citadelle, ça veut dire qu’une seule porte est ouverte sur l’extérieur.
Au début, l’Astrolabe était, pour moi, un vrai labyrinthe de métal, j’avais beaucoup de mal à me repérer, et les explications de l’équipage, qui est très sympa et aux petits soins, n’étaient pas toujours très claires. Mais on apprend, on s’habitue.
Mon poste
Mon poste est spacieux. Je le partage avec 3 autres femmes. Deux d’entre elles sont des scientifiques qui travaillent à bord du bateau jour et nuit. Elles se relèvent toutes les 8 heures pour lancer les sondes de température dans la mer (je vous en parlerai aussi). Il ne faut pas les réveiller, donc je quitte le poste très tôt avec toutes mes affaires pour la journée et je rejoins soit la salle de réunion IPEV, au niveau du pont des officiers, soit le salon passagers, au niveau du pont intermédiaire.
Réfectoire
On mange en deux services à la cantine : les babords et les tribords. Il y a une buanderie et une bibliothèque pour ceux qui n’ont pas le mal de mer.
Le gastrolabe
L’Astrolabe est très confortable. Mais comme il a un font plat pour pouvoir monter sur la glace et la casser, dans des mers très agitées comme l’océan antarctique, le bateau gite beaucoup, d’où son petit nom de « gastrolabe ». Merci aux marins de nous avoir laissé les couchettes au niveau de la cale : tu préfères être à la base d’un métronome, plutôt qu’à la pointe de son aiguille. On nous a tout de suite prévenu, et fourni un traitement contre le mal de mer. C’est un patch qu’on colle dernière l’oreille et dont les effets durent 3 jours. Il y a quelques effets secondaires : la vue qui peut se troubler, la bouche et les sinus qui peuvent s’assécher. Mais moi qui suis sensible au mal des transports, je m’en suis très bien sortie avec le patch et j’ai pu profiter de la traversée. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Je mesure ma chance.
Salon passager
Outre le mal de mer, les mouvements du bateau compliquent les déplacements. Il faut se tenir aux rambardes. On a l’impression de voler ou d’être cloué au sol en fonction de la houle. Les échappées deviennent un défi. Les chaises sont soit vissées au sol, soit fixées à la table par des tendeurs. Elles glissent avec nous dessus, de la même manière que les assiettes glissent sur les plateaux. Le matériel vole, y compris le matériel informatique. Il faut tout fixer. Mais quand on regarde un film sur grand écran et que le bateau gite, pendant les scènes d’actions, on se croirait au Futuroscope.
Détour par Macquarie
Cette année, nous sommes passés par l’île de Macquarie, pour déposer quelques scientifiques australiens.
Macquarie Island
La manœuvre s’est faite au petit matin et très vite. Cette île australienne est réputée pour sa biodiversité. J’ai pu voir des dauphins (un jour avant), des manchots royaux et des puffins nager en bande, un orque de loin, des éléphants de mer se battre sur la plage, des damiers du cap et des pétrels géants. Je regrette de ne pas avoir l’objectif qui me permettrait de mieux les prendre en photo.
Manchots et Gorfous de Macquarie
Le pack
Aujourd’hui 10 décembre, j’ai vu mes premiers icebergs, mais toujours pas de pack.
D’abord, sont apparus de petits glaçons, qui sont de plus en plus nombreux. Les plus petits ressemblent à des sacs plastics qui flottent à la surface de l’eau.
Puis au loin un iceberg et de la banquise en morceaux.
Puis plus rien. La banquise a débâclé le jour de notre arrivée. Nous n’avons jamais vu le pack. Ça attendra cet hiver.
Je suis arrivée à Hobart le 3 décembre. Le plan initial était de ravitailler le bateau en kérosène le lendemain, puis partir en fin d’après-midi. La fenêtre météo était extraordinaire. Cependant, une anomalie sur un capteur a empêché le bateau de partir. Le problème technique a été long à résoudre. Nous avons alors loupé notre possibilité de ravitaillement en carburant. En plus, au bout de 48h de retard, une tempête nous menaçait. Nous avons donc attendu 3 jours avant de quitter Hobart.
Vie sur le port d’Hobart
Il y a une grande liberté de circulation dans l’Astrolabe. Pour l’instant, c’est un labyrinthe pour moi, même si on a eu droit à une visite du bateau par Jacques, le pilote des glaces. Le port est directement dans la ville. On peut sortir librement entre 8h et 22h, à condition de signaler qu’on est sorti, et qu’on est à nouveau dans le bateau. Mais, dans le périmètre du port, il faut porter un gilet jaune et se faire escorter dans nos déplacements. Il faut aussi montrer son passeport pour re-entrer sur le port.
Carte Postale sonore : dans l’Astrolabe en mode citadelle.
Première journée d’attente : Visite de Hobart
Je suis contente d’avoir pu visiter Hobart.
Hobart est une jolie petite ville anglo-saxonne. Elle met beaucoup en avant son lien avec l’Antarctique. Elle est le port privilégié des expéditions françaises et australiennes. Roald Amundsen y a séjourné, de retour de sa conquête du pôle Sud et a envoyé le câble annonçant la réussite de son expédition au roi de Norvège.
C’est une ville agréable, mais on y circule avec de gros pickups. Les piétons ont peu de temps pour traverser. Sur l’enregistrement ci-dessous, vous entendez dans la circulation les bips longs qui vous disent que vous n’avez pas la priorité. Puis, des bips accélérés : c’est le temps de vous avez pour traverser 4 voies. Imaginez !
Les bips des passages piétons d’Hobart
Deuxième jour : Visite du jardin botanique
Je dors très bien sur l’Astrolabe pour l’instant. La fatigue du voyage se fait sentir, je fais des nuits complètes. Je me lève vers 5h du matin ce que je trouve raisonnable. J’ai déjà eu des problèmes de décalage horaire plus violents.
J’ai profité des problèmes de l’Astrolabe pour visiter le jardin botanique avec d’autres futurs hivernants dans l’après-midi. On y voit toute la flore de l’hémisphère Sud, y compris dans îles subantarctiques. Le jardin est peuplé de perruches multicolores et de petits rongeurs pas farouches.
On voit qu’on est en Australie, avec les Eucalyptus géants
Bref, on a laissé le temps filer et nous nous sommes fait enfermer dans le parc. Nous n’étions pas les seuls. Eh oui, c’est l’été ici et le soleil se couche plus tard.
Troisième jour : randonnée sur le Mont Wellington
Comme les problèmes techniques du bateau persistaient, on s’est dit que ça valait la peine de visiter un peu plus loin. On est parti monter le Mont Wellington, pour voir des falaises de colonnes appelées « tuyaux d’orgues » par le ZigZag Track.
ZigZag Track
La randonnée n’était pas simple. D’abord, on a loupé le bus et on a attendu une heure. Puis, certains chemins étaient fermés, car un hélicoptère transportait des bigbags au sommet. On a fait une bonne partie du chemin sur la route finalement. La partie basse de ses versants est couverte d’épaisses forêts traversées par des zones déboisées par des feux de forêts. On y vois des fougères arborescentes et les chemins sont humides. Le sommet est minéral et aride.
Au sommet du Mont Wellington
On a mangé au sommet un repas tiré du sac. Le paysage est lunaire et la vue est magnifique. Le chemin du retour était beaucoup plus bucolique.
Sur le chemin du retour.
Et finalement, au retour, on a à nouveau loupé le bus et certains sont rentrés en courant. Pas moi.
Dernière journée d’attente
On a définitivement loupé notre créneau de ravitaillement en carburant et pris beaucoup de retard sur la fenêtre météo. On s’est fait ravitailler par camion le matin.
Ravitaillement au petit matin.
J’avais un dernier quartier libre que j’ai utilisé et on est parti dans l’après-midi. Le départ a été très émouvant.
Départ d’Hobart : Piste d’atterrissage de l’hélicoptère à l’arrière de l’Astrolabe et nos bouteilles d’hélium (pour les radiosondages) tout à bout de la piste.
Je vous raconterai la traversée au prochain épisode.
J’ai déménagé de ma maison de Najac le 3 novembre pour habiter (toujours à Najac) chez des amis. Pendant quelques semaines, je n’en finissais plus de dire au revoir aux gens, mais j’en ai profité pour visiter tout ce que je n’avais pas pu voir jusque-là : la grotte de Pech Merle, Saint-Cirq-Lapopie et les abbayes de Beaulieu et celle de Loc-Dieu.
J’ai participé à un dernier bal-trad’
Puis j’ai définitivement quitté mon nid le 24 novembre.
L’aventure ne commence pas tout de suite
Pour rejoindre les terres australes, je n’ai pas pris le trajet que j’envisageais lorsque je me suis présentée aux écoles primaires de Najac et de La Fouillade : un train pour Paris, un vol pour Sydney, un avion pour Hobart et le bateau pour DDU.
De Najac à Paris
Je suis d’abord partie en voiture pour Chaumont avec Benjamin pour voir de la famille. Il faut dire que je n’étais encore jamais allée à Conques. J’attendais d’être hors saison touristique. C’était le bon choix. Conques est magnifique ! Nous sommes remontés via Aubusson et son musée de la tapisserie, puis via Montluçon et son musée de la musique populaire. Encore une victoire de la muséographie moderne !
J’ai finalement pris le train à Chaumont le jour de mon départ pour Hobart. Le 1er décembre, un jour de grève. Mais tout s’est bien passé.
De Paris à Hobart.
A Paris-Charles de Gaulles, j’ai retrouvé des hivernants que j’avais rencontré lors du séminaire à Plouzané. Le voyage depuis Paris a duré 32 heures, avec une escale à Doubaï et une à Melbourne. Je suis arrivée à Hobart à 7h le 3 décembre 2023. Et enfin, nous sommes arrivés à l’Astrolabe.
En fin de semaine dernière, j’ai eu l’occasion de rencontrer les élèves des écoles primaires publiques de Najac et de La Fouillade. L’idée est de correspondre avec ces élèves tout au long de mon hivernage.
J’ai d’abord reçu une proposition de Virginie (institutrice à La Fouillade) de passer à son école pour parler de ma mission en Antarctique avec les « grands » de son école, qui sont sous la responsabilité de Cindy. Puis Laurence, adjointe au maire de Najac, m’a mise en contact avec Bélinda, l’institutrice des « grands » de l’école de Najac. Elle m’a proposé de voir ses élèves, ainsi que les « petits » à la charge de Jacques. Vous suivez ?
À Najac, les enfants étaient tous rassemblés dans une des salles de classe où je projetais quelques photos. Les « petits » étaient assis sur les genoux des « grands ». Ils étaient sages, attentifs et intéressés. Leurs questions naïves n’en étaient pas moins intéressantes et les échanges ont été enrichissants, aussi bien pour eux que pour moi. Les enfants sont bon public.
À La Fouillade, j’ai rencontré les élèves de cours moyen qui étaient impatients de me poser des questions. En moyenne plus âgés qu’à Najac, certains montraient déjà leur intérêt pour les grosses machines qu’on peut rencontrer en Antarctique.
Je ne résiste pas à l’envie de vous partager quelques pépites. Parmi les questions attendues, telles que « Est ce qu’il y a des ours/des renards/des loups ? » ou « Vous mangez quoi ? » se glisse d’adorables remarques telle celle d’un maternelle de Najac : « Moi, j’ai vu un pingouin glisser sur le ventre. »
Bien sûr, il y a un monde entre les questions des élèves maternelles et celles des élèves du cours moyen et j’étais surprise de la maturité de certaines questions. L’environnement les intéresse particulièrement : « Mais… est-ce qu’il y a de la pollution ? », « Est-ce qu’il y a des espèces en voie de disparition ? » ou « Est-ce que les instruments que vous mettez sur les animaux, ça les gène ? ». Mais aussi des questions plus techniques : « Et s’il y a une tempête, et que vous pouvez pas lancer le ballon, vous ne pouvez pas savoir le temps qu’il va faire ? ». Mais aussi des questions qui dépassaient mon domaine d’expertise : « Ils boivent quoi les manchots ? » Et bien, de l’eau de mer ! Ils sont capables de désaliniser l’eau. (Merci à Bélinda et sa connexion internet).
Je ne suis pas sure que les difficiles questions astronomiques de l’inversion des saisons entre hémisphère Nord et Sud ou celle de la nuit perpétuelle aient été vraiment comprises.
Je regrette également que la confusion manchot/pingouin ait perduré jusqu’à la fin à Najac (à tel point que j’ai ajouté une image à ma présentation pour La Fouillade).
J’espère que ma correspondance avec ces élèves durant cette année en Antarctique facilitera leur compréhension et leur intérêt pour cette région du monde.
Quelque temps avant mon départ, j’ai eu l’opportunité de passer une semaine à Plouzané dans les locaux de l’Institut Polaire Français (IPEV), organisme qui gère entre autre la logistique de ma mission à Dumont d’Urville (DDU).
J’y ai rencontré les futurs hivernants et hivernantes des bases d’Antarctique (DDU et Dome C à Concordia) et du Sub-Antarctique (Crozet, Amsterdam et Kerguelen). L’IPEV nous a proposé une alternance d’activités et de présentations, ce qui a offert aux futurs hivernant·e·s dont je fais partie la possibilité de poser les dernières questions qui les taraudaient.
La plupart sont des volontaires en service civique (VSC). Beaucoup sont les petites mains polyvalentes du travail scientifique sur les bases. Comme les astronautes, ils collectent les données et réalisent les expériences en milieu hostile. Ils sont bien peu rémunérés au vu de leurs compétences. Ensuite, il y a les personnels techniques sans lesquels la base ne peut fonctionner : le cuisinier, la boulangère, les chauffagistes, la menuisière, les mécaniciens, les outilleurs, , etc., le chef de station et la médecin. Et puis, il y a nous, les 3 employers de Météo-France. Au total, nous serons 24 hivernants, dont 7 hivernantes cette année pour la 74ème mission à Dumont d’Urville.
Enfin, cette rencontre a été l’occasion de rencontrer les personnels qui permettent l’administration et la logistique de nos missions.
À Dumont d’Urville (DDU), durant l’hiver, nous serons en complète autonomie. En été, il ne faudra pas compter sur les colis non plus. Mes malles, ce sont mes affaires personnelles pour un an. Elles partent avant moi (en juillet) et je les retrouverai à DDU (en novembre).
Je prépare mes malles depuis un an. Je lis des blogs d’anciens hivernants, j’interroge les vétérans de DDU, je mesure mes propres consommations, etc. Je trouve que c’est un bon exercice. J’aime la rationalité et la sobriété. Mais je risque d’être exclue de certaines activités si je n’ai pas l’équipement adéquat. Je risque d’être handicapée, si je n’ai pas de matériel adapté.
Taille et volume
On a le droit d’emporter 120 kg avec nous, mais les malles ne doivent pas dépasser 40 kg. De générations en générations, les hivernants optent pour un lot de 3 malles gigognes (100, 90 et 80 L). De cette façon, lorsqu’à la fin du séjour on aura perdu une partie de nos affaires, laissé sur place les livres qu’on aura lu (ou pas) et qu’on aura mangé nos réserves de nourriture de réconfort, on pourra les mettre les unes dans les autres. C’est plus pratique.
Vêtements et équipements
À partir de mars (début de l’hivernage), on commence à se les peler sévère avec des minimales en dessous des -20°C et des maximales vers -15°C. […] Dans la dotation de l’IPEV, il y a des choses qui permettent de survivre, mais pas vraiment d’être confortable pour profiter.
Pauline Jaunet, vétérane, TA73
Nos équipements adaptés au froid sont fournis par l’IPEV. Nous les recevrons au moment du départ sur le bateau. Il paraît que certains ont vécu un an avec ce paquetage et les vêtements laissés par les précédents. Je ne compte pas dessus. On nous le dit : la dotation de l’IPEV fonctionne bien pour le corps, mais moins pour les pieds, les mains ou la tête. Et puis, les vêtements s’usent vite en Antarctique. On tombe, on s’accroche, on casse le matériel. Si quelque chose se casse, comme des lunettes de soleil par exemple, on en a plus pendant un an. Mieux vaut prévoir plusieurs paires.
Nourriture
« On pense trop aux vêtements et pas assez à la nourriture »
Emmanuel Linden, vétéran TA72
Moi, actuellement, je mange de l’avoine le matin. Pourquoi ne pas prendre mon avoine avec moi ? Parce que 110 g d’avoine par jour, c’est 40 kg par an. Donc c’est une malle entière rien que pour une partie du petit-déjeuner. Vous voyez la problème. Il va falloir faire des sacrifices.
Il faut bien admettre aussi que la nourriture est liée à l’épineuse question du poids. En antarctique, on change d’alimentation. D’un coté, il fait plus froid et on dépense plus d’énergie à faire des choses qu’on ne faisait pas en Europe, comme pelleter de la neige. Mais de l’autre, on est beaucoup plus sédentaire. Donc il ne faut pas prendre trop de nourriture de réconfort non plus.
Je prévois pour les moments festifs : un repas régional, mon anniversaire, Noël, jour de l’an … Ça tombe bien ! Je viens d’une région (l’Aveyron) qui produit ce genre de nourriture.
Produits d’hygiène
On prend avec soi ses produits d’hygiène quotidiens. L’air est très sec, mais l’eau gèle. Donc une crème hydratante est nécessaire, mais il faut bien choisir : elle peut contenir beaucoup d’eau, qui risque de geler sur la peau. Ensuite, on est dans le trou de la couche d’ozone. La crème solaire est fournie, comme les sticks à lèvres anti-UV. Et puis, les fournitures hygiéniques. Ben oui ! On ne nous les fournit pas. C’est sûr que ça doit en faire des boites de tampons… Une fois de plus, on voit la supériorité de la coupe menstruelle.
Il y a un médecin sur place, mais il faut apporter ces propres médicaments si on a un traitement. En particulier, on amène pour un an de pilules contraceptives.
Photo : Magalie Bru
Loisirs
On est à DDU pour travailler, mais on est aussi libre près de la moitié de son temps. Sur place, la bibliothèque est bien fournie. Mais autant prendre quelques livres ; on ne les lit pas toujours, mais on aime bien les avoir avec soi et puis des jeux, des films, de la musique sur un disque dur externe. Pour tout ce qui est technologique : appareil photo, liseuse … Je préfère les avoir avec moi sur l’Astrolabe.
Il y a peut-être encore un peu de place
Et pour finir, je prends des petits cadeaux pour les anniversaires des personnes sur place (pour faire plaisir).
Croyez-moi, j’espère n’avoir rien oublié
Si je découvre que j’ai oublié quelque chose entre juillet et novembre, je pourrais toujours le prendre avec moi dans l’avion (dans la limite de poids autorisée). D’ailleurs, j’aurai sur moi tout ce dont on a besoin durant une semaine en milieu tempéré.
Quoi qu’il en soit, je compte faire un état des lieux à mon retour : ce qui manquait ou était en trop, ce que j’ai trouvé sur place et ce dont j’ai pu finalement me passer.
Actuellement, je suis chercheuse au CNRM. Je travaille à compiler des informations autour des basses couches de l’atmosphère et à compiler du code informatique sur un super calculateur. Ce n’est pas ce que je ferai à DDU.
Mon métier sur la base, j’en parlerai en détail plus tard. Mais, maintenant, il me faut une bonne piqûre de rappel sur les notions de base et de bonnes notions de sécurité.
Depuis l’année dernière déjà, je suis habilitée à travailler en hauteur, sensibilisée au risque électrique et je suis sauveteuse secouriste du travail. Il y a un mois, j’ai révisé mes bases de prévision du temps et de météorologie polaire. Cette semaine, on m’a présenté les outils permettant l’acquisition et l’archivage des données météorologiques, ainsi que la génération de données climatologiques. Mais surtout, j’ai pratiqué le lancer de radiosondage.
Choisir les sondes et les ballons. Les gonfler à l’hélium. Calibrer la sonde. Fixer les éléments. Lancer le ballon. Et analyser les données. Ce sera en partie mon travail quotidien.