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AVANT LE DÉPART DURANT LE VOYAGE PAS ENCORE TRADUIT

A Bord de l’Astrolabe

Vie sur l’Astrolabe

L’Astrolabe est un bateau militaire, démilitarisé pour cette mission entre Hobart et Dumont d’Urville. Il fait 72 m de long et est constitué de 8 étages. C’est un très petit brise glace. Nous sommes une soixantaine à bord, dont une vingtaine de marins.

Vivre sur l’Astrolabe demande d’acquérir tout un vocabulaire. La coupée, c’est la passerelle qui relie le quai au bateau. Elle se fixe à différents étages du bateau en fonction de la hauteur du quai. La passerelle, elle, est le poste de conduite du bateau, juste au-dessous de la mature sur laquelle sont fixés les instruments, comme le radar et le nid de pie, qui est un poste d’observation. Un pont est un étage. La rampe, c’est là où on pose le plateau de la cantine. Les couloirs sont les coursives et les coursives extérieures s’appellent des passes. Les escaliers se disent des échappées. Ma chambre est un poste. Mon lit se dit : banette, niche ou caille. Quand on est en mode citadelle, ça veut dire qu’une seule porte est ouverte sur l’extérieur.

Au début, l’Astrolabe était, pour moi, un vrai labyrinthe de métal, j’avais beaucoup de mal à me repérer, et les explications de l’équipage, qui est très sympa et aux petits soins, n’étaient pas toujours très claires. Mais on apprend, on s’habitue.

Mon poste

Mon poste est spacieux. Je le partage avec 3 autres femmes. Deux d’entre elles sont des scientifiques qui travaillent à bord du bateau jour et nuit. Elles se relèvent toutes les 8 heures pour lancer les sondes de température dans la mer (je vous en parlerai aussi). Il ne faut pas les réveiller, donc je quitte le poste très tôt avec toutes mes affaires pour la journée et je rejoins soit la salle de réunion IPEV, au niveau du pont des officiers, soit le salon passagers, au niveau du pont intermédiaire.

Réfectoire

On mange en deux services à la cantine : les babords et les tribords. Il y a une buanderie et une bibliothèque pour ceux qui n’ont pas le mal de mer.

Le gastrolabe

L’Astrolabe est très confortable. Mais comme il a un font plat pour pouvoir monter sur la glace et la casser, dans des mers très agitées comme l’océan antarctique, le bateau gite beaucoup, d’où son petit nom de « gastrolabe ». Merci aux marins de nous avoir laissé les couchettes au niveau de la cale : tu préfères être à la base d’un métronome, plutôt qu’à la pointe de son aiguille. On nous a tout de suite prévenu, et fourni un traitement contre le mal de mer. C’est un patch qu’on colle dernière l’oreille et dont les effets durent 3 jours. Il y a quelques effets secondaires : la vue qui peut se troubler, la bouche et les sinus qui peuvent s’assécher. Mais moi qui suis sensible au mal des transports, je m’en suis très bien sortie avec le patch et j’ai pu profiter de la traversée. Ce n’est pas le cas de tout le monde. Je mesure ma chance.

Salon passager

Outre le mal de mer, les mouvements du bateau compliquent les déplacements. Il faut se tenir aux rambardes. On a l’impression de voler ou d’être cloué au sol en fonction de la houle. Les échappées deviennent un défi. Les chaises sont soit vissées au sol, soit fixées à la table par des tendeurs. Elles glissent avec nous dessus, de la même manière que les assiettes glissent sur les plateaux. Le matériel vole, y compris le matériel informatique. Il faut tout fixer. Mais quand on regarde un film sur grand écran et que le bateau gite, pendant les scènes d’actions, on se croirait au Futuroscope.

Détour par Macquarie

Cette année, nous sommes passés par l’île de Macquarie, pour déposer quelques scientifiques australiens.

Macquarie Island

La manœuvre s’est faite au petit matin et très vite. Cette île australienne est réputée pour sa biodiversité. J’ai pu voir des dauphins (un jour avant), des manchots royaux et des puffins nager en bande, un orque de loin, des éléphants de mer se battre sur la plage, des damiers du cap et des pétrels géants. Je regrette de ne pas avoir l’objectif qui me permettrait de mieux les prendre en photo.

Manchots et Gorfous de Macquarie

Le pack

Aujourd’hui 10 décembre, j’ai vu mes premiers icebergs, mais toujours pas de pack.

D’abord, sont apparus de petits glaçons, qui sont de plus en plus nombreux. Les plus petits ressemblent à des sacs plastics qui flottent à la surface de l’eau.

Puis au loin un iceberg et de la banquise en morceaux.

Puis plus rien. La banquise a débâclé le jour de notre arrivée. Nous n’avons jamais vu le pack. Ça attendra cet hiver.

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AVANT LE DÉPART PAS ENCORE TRADUIT

Les enfants sont bon public.

En fin de semaine dernière, j’ai eu l’occasion de rencontrer les élèves des écoles primaires publiques de Najac et de La Fouillade. L’idée est de correspondre avec ces élèves tout au long de mon hivernage.

J’ai d’abord reçu une proposition de Virginie (institutrice à La Fouillade) de passer à son école pour parler de ma mission en Antarctique avec les « grands » de son école, qui sont sous la responsabilité de Cindy. Puis Laurence, adjointe au maire de Najac, m’a mise en contact avec Bélinda, l’institutrice des « grands » de l’école de Najac. Elle m’a proposé de voir ses élèves, ainsi que les « petits » à la charge de Jacques. Vous suivez ?

À Najac, les enfants étaient tous rassemblés dans une des salles de classe où je projetais quelques photos. Les « petits » étaient assis sur les genoux des « grands ». Ils étaient sages, attentifs et intéressés. Leurs questions naïves n’en étaient pas moins intéressantes et les échanges ont été enrichissants, aussi bien pour eux que pour moi. Les enfants sont bon public.

À La Fouillade, j’ai rencontré les élèves de cours moyen qui étaient impatients de me poser des questions. En moyenne plus âgés qu’à Najac, certains montraient déjà leur intérêt pour les grosses machines qu’on peut rencontrer en Antarctique.

Je ne résiste pas à l’envie de vous partager quelques pépites. Parmi les questions attendues, telles que « Est ce qu’il y a des ours/des renards/des loups ? » ou « Vous mangez quoi ? » se glisse d’adorables remarques telle celle d’un maternelle de Najac : « Moi, j’ai vu un pingouin glisser sur le ventre. »

Bien sûr, il y a un monde entre les questions des élèves maternelles et celles des élèves du cours moyen et j’étais surprise de la maturité de certaines questions. L’environnement les intéresse particulièrement : « Mais… est-ce qu’il y a de la pollution ? », « Est-ce qu’il y a des espèces en voie de disparition ? » ou « Est-ce que les instruments que vous mettez sur les animaux, ça les gène ? ». Mais aussi des questions plus techniques : « Et s’il y a une tempête, et que vous pouvez pas lancer le ballon, vous ne pouvez pas savoir le temps qu’il va faire ? ». Mais aussi des questions qui dépassaient mon domaine d’expertise : « Ils boivent quoi les manchots ? » Et bien, de l’eau de mer ! Ils sont capables de désaliniser l’eau. (Merci à Bélinda et sa connexion internet).

Je ne suis pas sure que les difficiles questions astronomiques de l’inversion des saisons entre hémisphère Nord et Sud ou celle de la nuit perpétuelle aient été vraiment comprises.

Je regrette également que la confusion manchot/pingouin ait perduré jusqu’à la fin à Najac (à tel point que j’ai ajouté une image à ma présentation pour La Fouillade).

J’espère que ma correspondance avec ces élèves durant cette année en Antarctique facilitera leur compréhension et leur intérêt pour cette région du monde.

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AVANT LE DÉPART

Séminaire des hivernant·e·s

Quelque temps avant mon départ, j’ai eu l’opportunité de passer une semaine à Plouzané dans les locaux de l’Institut Polaire Français (IPEV), organisme qui gère entre autre la logistique de ma mission à Dumont d’Urville (DDU).

J’y ai rencontré les futurs hivernants et hivernantes des bases d’Antarctique (DDU et Dome C à Concordia) et du Sub-Antarctique (Crozet, Amsterdam et Kerguelen). L’IPEV nous a proposé une alternance d’activités et de présentations, ce qui a offert aux futurs hivernant·e·s dont je fais partie la possibilité de poser les dernières questions qui les taraudaient.

La plupart sont des volontaires en service civique (VSC). Beaucoup sont les petites mains polyvalentes du travail scientifique sur les bases. Comme les astronautes, ils collectent les données et réalisent les expériences en milieu hostile. Ils sont bien peu rémunérés au vu de leurs compétences. Ensuite, il y a les personnels techniques sans lesquels la base ne peut fonctionner : le cuisinier, la boulangère, les chauffagistes, la menuisière, les mécaniciens, les outilleurs, , etc., le chef de station et la médecin. Et puis, il y a nous, les 3 employers de Météo-France. Au total, nous serons 24 hivernants, dont 7 hivernantes cette année pour la 74ème mission à Dumont d’Urville.

Enfin, cette rencontre a été l’occasion de rencontrer les personnels qui permettent l’administration et la logistique de nos missions.

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AVANT LE DÉPART

Les malles

À Dumont d’Urville (DDU), durant l’hiver, nous serons en complète autonomie. En été, il ne faudra pas compter sur les colis non plus. Mes malles, ce sont mes affaires personnelles pour un an. Elles partent avant moi (en juillet) et je les retrouverai à DDU (en novembre).

Je prépare mes malles depuis un an. Je lis des blogs d’anciens hivernants, j’interroge les vétérans de DDU, je mesure mes propres consommations, etc. Je trouve que c’est un bon exercice. J’aime la rationalité et la sobriété. Mais je risque d’être exclue de certaines activités si je n’ai pas l’équipement adéquat. Je risque d’être handicapée, si je n’ai pas de matériel adapté.

Taille et volume

On a le droit d’emporter 120 kg avec nous, mais les malles ne doivent pas dépasser 40 kg. De générations en générations, les hivernants optent pour un lot de 3 malles gigognes (100, 90 et 80 L). De cette façon, lorsqu’à la fin du séjour on aura perdu une partie de nos affaires, laissé sur place les livres qu’on aura lu (ou pas) et qu’on aura mangé nos réserves de nourriture de réconfort, on pourra les mettre les unes dans les autres. C’est plus pratique.

Vêtements et équipements

À partir de mars (début de l’hivernage), on commence à se les peler sévère avec des minimales en dessous des -20°C et des maximales vers -15°C. […] Dans la dotation de l’IPEV, il y a des choses qui permettent de survivre, mais pas vraiment d’être confortable pour profiter.

Pauline Jaunet, vétérane, TA73

Nos équipements adaptés au froid sont fournis par l’IPEV. Nous les recevrons au moment du départ sur le bateau. Il paraît que certains ont vécu un an avec ce paquetage et les vêtements laissés par les précédents. Je ne compte pas dessus. On nous le dit : la dotation de l’IPEV fonctionne bien pour le corps, mais moins pour les pieds, les mains ou la tête. Et puis, les vêtements s’usent vite en Antarctique. On tombe, on s’accroche, on casse le matériel. Si quelque chose se casse, comme des lunettes de soleil par exemple, on en a plus pendant un an. Mieux vaut prévoir plusieurs paires.

Nourriture

« On pense trop aux vêtements et pas assez à la nourriture »

Emmanuel Linden, vétéran TA72

Moi, actuellement, je mange de l’avoine le matin. Pourquoi ne pas prendre mon avoine avec moi ? Parce que 110 g d’avoine par jour, c’est 40 kg par an. Donc c’est une malle entière rien que pour une partie du petit-déjeuner. Vous voyez la problème. Il va falloir faire des sacrifices.

Il faut bien admettre aussi que la nourriture est liée à l’épineuse question du poids. En antarctique, on change d’alimentation. D’un coté, il fait plus froid et on dépense plus d’énergie à faire des choses qu’on ne faisait pas en Europe, comme pelleter de la neige. Mais de l’autre, on est beaucoup plus sédentaire. Donc il ne faut pas prendre trop de nourriture de réconfort non plus.

Je prévois pour les moments festifs : un repas régional, mon anniversaire, Noël, jour de l’an … Ça tombe bien ! Je viens d’une région (l’Aveyron) qui produit ce genre de nourriture.

Produits d’hygiène

On prend avec soi ses produits d’hygiène quotidiens. L’air est très sec, mais l’eau gèle. Donc une crème hydratante est nécessaire, mais il faut bien choisir : elle peut contenir beaucoup d’eau, qui risque de geler sur la peau. Ensuite, on est dans le trou de la couche d’ozone. La crème solaire est fournie, comme les sticks à lèvres anti-UV. Et puis, les fournitures hygiéniques. Ben oui ! On ne nous les fournit pas. C’est sûr que ça doit en faire des boites de tampons… Une fois de plus, on voit la supériorité de la coupe menstruelle.

Il y a un médecin sur place, mais il faut apporter ces propres médicaments si on a un traitement. En particulier, on amène pour un an de pilules contraceptives.

Photo : Magalie Bru

Loisirs

On est à DDU pour travailler, mais on est aussi libre près de la moitié de son temps. Sur place, la bibliothèque est bien fournie. Mais autant prendre quelques livres ; on ne les lit pas toujours, mais on aime bien les avoir avec soi et puis des jeux, des films, de la musique sur un disque dur externe. Pour tout ce qui est technologique : appareil photo, liseuse … Je préfère les avoir avec moi sur l’Astrolabe.

Il y a peut-être encore un peu de place

Et pour finir, je prends des petits cadeaux pour les anniversaires des personnes sur place (pour faire plaisir).

Croyez-moi, j’espère n’avoir rien oublié

Si je découvre que j’ai oublié quelque chose entre juillet et novembre, je pourrais toujours le prendre avec moi dans l’avion (dans la limite de poids autorisée). D’ailleurs, j’aurai sur moi tout ce dont on a besoin durant une semaine en milieu tempéré.

Quoi qu’il en soit, je compte faire un état des lieux à mon retour : ce qui manquait ou était en trop, ce que j’ai trouvé sur place et ce dont j’ai pu finalement me passer.

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Formations météos

Actuellement, je suis chercheuse au CNRM. Je travaille à compiler des informations autour des basses couches de l’atmosphère et à compiler du code informatique sur un super calculateur. Ce n’est pas ce que je ferai à DDU.

Mon métier sur la base, j’en parlerai en détail plus tard. Mais, maintenant, il me faut une bonne piqûre de rappel sur les notions de base et de bonnes notions de sécurité.

Depuis l’année dernière déjà, je suis habilitée à travailler en hauteur, sensibilisée au risque électrique et je suis sauveteuse secouriste du travail. Il y a un mois, j’ai révisé mes bases de prévision du temps et de météorologie polaire. Cette semaine, on m’a présenté les outils permettant l’acquisition et l’archivage des données météorologiques, ainsi que la génération de données climatologiques. Mais surtout, j’ai pratiqué le lancer de radiosondage.

Choisir les sondes et les ballons. Les gonfler à l’hélium. Calibrer la sonde. Fixer les éléments. Lancer le ballon. Et analyser les données. Ce sera en partie mon travail quotidien.

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Tests médicaux- psychologiques

On est d’abord sélectionné sur ses compétences. Mais quand on est engagé sur un poste à DDU, c’est sous réserve de passer les examens médicaux-psychologiques. Bon ! cette année, je n’avais pas trop de doute : j’ai déjà passé tous les tests l’année dernière quand j’étais suppléante.

D’abord, il y a la condition physique. Moi, je suis relativement jeune, donc j’ai échappé à certains exercices ; en particuliers, je n’ai pas fait de tests d’effort. Cette année comme l’année dernière, j’ai répondu à un questionnaire proche de celui de la médecine du travail. On a observé mon poids, ma taille. On m’a fait un examen de vue, une prise de sang, d’urine et un électrocardiogramme. J’ai fais une radio du thorax et de la mâchoire. J’ai rencontré le médecin du CMI. Par ailleurs, je suis aussi allée voir une dentiste, une gynécologue et un opticien pour des tests complémentaires obligatoires. Bref, c’est très long.

La grosse angoisse des aspirants hivernants, ce sont les tests psychologiques. On ne sait jamais pourquoi on est recalé. Donc on ne sait pas non plus sur quoi on est évalué. J’ai moi-même été prise comme suppléante l’année dernière, parce que la personne avant moi dans la liste avait été recalée… personne qui m’a l’air parfaitement saine d’esprit. Tout cela m’avait l’air très aléatoire. C’est donc la boule au ventre que je me suis rendue l’année dernière au service médical des TAAF pour remplir deux questionnaires psychologiques, et pour passer un entretien avec une psychologue. C’est très, très long. Mais c’est une évaluation valable 5 ans. Je suis heureuse d’être officiellement apte à partir en Terre Adélie.

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Genèse

Les terres australes, j’en rêve depuis petite. Je suis entrée à Météo-France par goût pour la météorologie et par intérêt pour les Terres Australes, Météo France étant un des rares employeurs à envoyer des agents aux Pôles.

Nombre de mes collègues sont partis à Dumont d’Urville (DDU pour les intimes). Certains que je connais personnellement sont partis quelques années après leur sortie de l’ENM. J’avais pour ma part la chance de pouvoir mener à bien une thèse, puis j’ai eu la chance d’obtenir un poste au centre de recherche de Météo-France sur des thématiques ambitieuses. À présent, les projets sur lesquels je travaille depuis plusieurs années arrivent à maturité. À 38 ans, c’est pour moi le moment idéal de partir.

J’ai donc postulé en novembre 2021 pour le poste de chef·fe de station à Dumont d’Urville. Et alors que je m’attendais à faire la queue durant quelques années, j’ai été prise comme suppléante dès ma première candidature en février 2022. À présent, je suis sur le départ.