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Les phoques

A DDU, il y a des manchots, mais il y a aussi des phoques.

Décompte

Le 5 janvier, je suis sortie avec Simon Targowla, biologiste du programme Antarctic seals and the sea-ice environment pour comptabiliser les phoques présents sur la banquise.

Pour l’instant, je ne vous ai parlé que des manchots, mais il y a aussi beaucoup de phoques à Dumont d’Urville (DDU). Il y a cinq espèces de phoques sur place :

  • Les plus communs, ce sont les phoques de Weddell. Ils sont visibles sur la banquise proche des côtes en été. Même si on ne les voit plus en hiver, leur activité vocale sous-marine révèle leur présence durant toute l’année dans l’eau.
  • Ensuite, il y a les phoques Crabier. S’il s’agit du phoque le plus commun à l’échelle de la planète, il est encore assez rare à DDU. Il est présent dans le pack et au large. Il y en a de plus en plus sur DDU. Cette année, quelques dizaines ont été répertoriés alors qu’ils était plutôt rares avant.
  • Le léopard de mer. C’est le phoque qui mange les phoques… et les manchots. Il faut s’en méfier, il est rapide et il mord aussi les humains.
  • L’éléphant de mer, le plus gros de tous les phoques, qui est encore considéré comme un animal sub-antarctique alors qu’on en en voit tous les ans ici en Antarctique.
  • Le phoque de Ross a été répertorié mais il n’a pas encore été vu cette année.

Avec Simon, nous nous sommes baladés sur la banquise en passant de trou d’eau en trou d’eau. Les phoques s’y rassemblent et ils dorment autour par dizaines. Ils arrivent sur la banquise par ces trous et ne s’en éloignent pas

Ainsi, ils peuvent facilement s’enfuir en se jetant dans le trou en cas de danger.

Exemple d’un trou d’eau ou les phoques se rassemblent sur la banquise avec quelques phoques

Les phoques font entre 2,5 m et 3,2 m. Les mâles sont plus petits que les femelles et ne dépassent pas les 2,9 m. Un jeune pèse déjà dans les 200kg, mais un adulte fait facilement dans les 350 kg. Nous comptons le nombre de phoques.

Un pup avec sa mère

Nous notons le sexe et s’ils sont adultes, jeune adultes, ou des « pups » (bébé, en anglais) : des jeunes de l’année que Simon appelle des knackies, parce qu’ils en ont la forme.

Petit adulte ou gros jeune de 2-3 ans ?

Pour différencier un petit adulte d’un un gros jeune, Simon regarde le nombre de cicatrices. Ce n’est pas une certitude, mais plus les phoques sont âgés, plus ils sont marqués.

N’est-il pas mignon ?

Transpondeurs

Natacha, ornithologue du programme 109 me propose de sortir le 9 mars. Il s’agit de placer une petite puce sous la peau de quelques phoques. On dit qu’on les « transponde ».

Je pars avec Natacha, Lise, Simon et Killian. C’est beaucoup de monde pour une manip’ sur des animaux. Dans toutes celles que j’ai faites jusqu’à présent, nous étions 3 au maximum.

Nous sommes partis avec la pulka chargée de matériel, les microspikes aux pieds. Le ciel était magnifique, les icebergs superbement bleus. Nous avons marché jusqu’à atteindre un premier trou de phoques. Pas très loin : nous étions tout près de Pétrels.

Ils dorment au soleil

Comme toujours dans une manipulation, il y a quelqu’un qui fait la manip’ et quelqu’un qui prend les notes. Natacha et le rédacteur faisaient seuls le tour des phoques d’un point d’eau. On note l’âge et le sexe. Natacha prend une photo du ventre (parce que les tâches sur leur ventre forment un motif unique) et donne le numéro de la photo. Elle a à la main un détecteur qu’elle passe sur le bas du dos du phoque et qui bipe quand le phoque est transpondé. On note le numéro de transpondage. Natacha repère ainsi les femelles qui ne sont pas transpondées. Seules les femelles sont marquées parce que les programmes de recherche n’ont droit qu’à un certain nombre de marquages par an et que les femelles sont plus susceptibles de revenir à DDU.

Quand on trouve une femelle, on la capture. D’abord, Simon et Natacha (qui ont l’habitude) placent une capuche sur la tête du phoque. Ce n’est pas facile. Les phoques se débâtent et mordent. Cela peut durer quelques minutes. Puis trois personnes immobilisent le phoque sans le blesser. Une dernière personne fournit les ustensiles à Natacha, qui pique le phoque à la queue avec une grosse seringue. Cette partie est très rapide, mais il fait bien tenir le phoque. Il se débat.

Hydrophones

Simon travaille pour un programme qui cherche à suivre l’activité vocale des phoques sur une année de façon à caractériser les particularités (les dialectes) des phoques de Weddell autour de DDU. Pour cela, il enregistre les phoques en continu durant une semaine par mois.

Simon et son hydrophone

Simon enregistre les phoques sous l’eau à l’aide d’un hydrophone. Les sons que font les phoques sous l’eau, vous n’avez jamais entendu cela. Simon a eu la gentillesse de me fournir quelques uns de ses enregistrements.

Écoutez-les (avec un casque de préférence) :

Woop
Woow
Weddell Whistle Down
Weddell Trill Wom
Weddell Slow Landing
Weddell Long Chirp
Weddell Kick
Weddell humpback

C’est difficile d’imaginer qu’un animal fait ce genre en bruit et qu’il pourrait le faire volontairement. Un excellent moyen de vérifier que ce sont bien les éléments d’un mode de communication est de demander à l’animal. On peut diffuser ces sons à proximité d’un phoque : s’il réagit, s’il répond, alors on considère que ce son a bien une « signification », une fonction dans les échanges. La nature de la réponse (agressivité, approche, fuite…) nous renseigne sur son sens pour les phoques.

Actuellement, les phoques ne sont plus à DDU. Ils sont au large et fréquentent la lisière de la glace de mer. Plus la banquise est loin, plus ils sont loin. Mais on peut les suivre à la trace. Je vous en parlerai dans un prochain article.

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Protégé : Une activité d’été

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La Centrale

Comme les manchots, nous buvons de l’eau de mer, mais elle est dessalée.

Une visite à la Centrale

La Centrale, c’est l’usine qui fournit notre eau et notre électricité.

Romain, le chef Centrale, me fait la visite. Il est originaire d’Albi. Il a un accent du Sud-Ouest et travaillait déjà dans des centrales électriques (mais avec de plus gros moteurs) avant de venir à DDU.

La Centrale est un bâtiment de la station. La première chose qui frappe quand on y entre, c’est le bruit : on ne s’entend pas parler dans la salle des machines, alors toutes les explications, je les ai eu dans le bureau. La deuxième chose qui frappe c’est l’odeur d’huile.

Production d’électricité

La Centrale, c’est d’abord la production d’électricité. A DDU, les bilans énergétiques sont simples à faire, tout vient du pétrole. Le SAB (Special Antarctique Blend – un gasoil spécialement produit pour les très basses températures) arrive par bateau. Il est ensuite stocké sur l’île des Pétrels à l’extérieur de la base haute (600 m3 stockés pour l’hivernage) pour limiter la propagation d’un éventuel incendie. Il est transféré au besoin dans de plus petites cuves proches de la Centrale (56 m3 de stockage).

A gauche : 2 des 3 groupes électrogènes qui produisent l’électricité A droite : les armoires de contrôle

Les moteurs sont des machines thermiques qui brûlent le fioul pour actionner des alternateurs qui produisent de l’électricité.

Un des groupes électrogènes

Production d’eau

La Centrale produit aussi notre eau potable. L’eau est pompée dans l’Anse du Lion au niveau de la SPEM (Station de Pompage Eau de Mer). Elle est désalinisée par deux systèmes:

  • un osmoseur qui désalinise l’eau de mer via le procédé d’osmose inverse (utilisé uniquement en campagne d’été quand il y a bien plus de monde sur la base).
  • ou via le bouilleur, une antiquité datant des années 60, avec des réglages manuels. Comme son nom l’indique, il bout l’eau de mer. On y fait le vide pour que l’eau s’évapore à basse température. L’eau évaporée est ensuite condensée pour obtenir de l’eau pure qui est enfin reminéralisée (à la minéralite) pour pouvoir être bue.
Minéralisateur : reminéralise l’eau désalinisée
Lampe UV pour purifier l’eau
Osmoseur

Les productions d’eau et d’électricité sont liées

L’eau de mer qui est pompée à la SPEM est à -1°C. Elle arrive à la Centrale à 8°C. Elle sert à refroidir le liquide de refroidissement des groupes électrogènes. Ensuite, elle passe par le bouilleur et le minéraliseur. En sortie, on a de l’eau potable et de la saumure. La saumure est re-utilisée pour éviter le gel des canalisations d’eau douce, avant d’être jetée en mer. Elle est aussi utilisée pour réchauffer l’eau glacée arrivant de la SPEM.

Les températures du liquide de refroidissement des groupes électrogènes et celle de l’eau entrant dans le bouilleur sont importantes pour le système et liées par un échangeur thermique. Et le seul moyen de monitorer ces températures, c’est d’augmenter ou de diminuer le débit d’eau de mer entrant dans l’échangeur.

Quand il y a beaucoup de demande d’électricité, les moteurs doivent produire plus d’énergie : ils chauffent. Pour maintenir la bonne température du liquide de refroidissement, on augmente le débit d’eau de mer. De ce fait, on produit plus d’eau douce.

Une surveillance constante

La Centrale, c’est la vie. Sans elle, plus d’eau, plus d’électricité donc plus de chauffage. Elle est surveillée comme le lait sur le feu. Il existe des indicateurs et des alarmes pour tout.

C’est l’œil de Moscou :

« On voit les fours de la cuisine s’allumer… Juliette qui fait le pain »

Romain

Les membres de l’équipe technique (menuisière, plombier, mécanicien, électricien, tourneur, chef technique et les deux personnes qui sont dédiés à la Centrale) font chacun à leur tour des quarts de jour et de nuit.

Du matériel plus ou moins moderne

Durant leur quart, les techniciens et techniciennes surveillent les alarmes.

Il y en a 3 types :

  • les alarmes dites techniques qui concernent le fonctionnement global de la station comme des températures à l’intérieur des bâtiments, où d’éventuelles coupures d’électricité
  • les alarmes des groupes électrogènes qui concernent ces derniers : températures d’eau de refroidissement, pression d’huile, niveau de la cuve de gasoil
  • les alarmes incendies : tous les bâtiments sont équipés de nombreux détecteurs afin de prévenir le moindre début d’incendie…

La personne de quart doit relever toutes les 2 heures, les constantes de la Centrale (paramètres des groupes électrogènes, du bouilleur, de l’osmoseur, et de la SPEM). Ils peuvent régler une partie des soucis éventuels par eux-mêmes, mais peuvent aussi compter sur les techniciens d’astreintes quand une d’elles sonne : l’électricien si c’est un problème électrique, le plombier si c’est un problème d’eau, ou un des personnels de la Centrale.

Les températures en entrée du bouilleur qui sont surveillées par les veilleurs
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Manchots

Quand on parle de l’Antarctique, c’est le manchot qui vient à l’esprit.

C’est quoi un manchot ?

Non, ce n’est pas un pingouin …

Nous avons deux espèces de manchots à DDU : les manchots Adélie et les manchots empereurs. Les Adélie marchent les ailes écartées. Ils sont petits, vifs, voire agressifs. Les empereurs se dandinent. Leur corps ondule. Même les juvéniles sont grands. Je suis arrivée le 12 décembre 2023. Les poussins d’empereurs étaient déjà grands. Ils étaient sur le point de partir. Je les ai vus en pouponnière (ils perdaient leur duvet) et au moment de leur départ. Et début décembre, les Adélie n’étaient pas encore éclos. Je les ai vu grandir à une vitesse phénoménale, se faire manger par des skuas pour certains, muer puis partir en février pour les plus chanceux.

Vie en communauté avec une espèce sauvage

L’espace vital

L’archipel compte une aire spécialement protégée de l’Antarctique. Elle classe en Réserve Intégrale les îles Rostand, Lamarck, Bernard, et Le Mauguen, ainsi que le Nunatak du Bon Docteur et la colonie de reproduction des manchots empereurs (pour plus de repères géographiques reportez-vous ici). Toutes les espèces animales de l’archipel sont protégées par le Traité sur l’Antarctique. Par conséquent, il est interdit de les toucher, de ramasser leurs œufs, de déplacer des poussins ou de nourrir les manchots. On respecte une distance de sécurité. On s’arrête et on arrête les engins quand ils sont dans les parages.

Les manchots vivent comme nous sur la base.

Mais des manchots, il y en a partout. Ce sont des centaines d’individus qui nichent jusqu’à l’intérieur de la base. C’est compliqué de les éviter. Certaines personnes sont plus respectueuses que d’autres de la vie sauvage :

  • Il y a les « Simon » qui respectent vraiment les distances de sécurité, ne font pas de bruit, évitent tout stress aux manchots.
  • Il y a les gens comme moi qui respecte les distances de sécurité. Cela ne me gène pas de leur laisser la priorité, voire de rester à bonne distance quoi qu’il arrive. Mais quand une sonde est défectueuse, que j’ai quelques minutes pour la changer, je cours sur les passerelles. Je vois bien que le bruit stresse les manchots qui couvent à quelques mètres, mais mon travail a la priorité.
  • Et puis, il y a les vrais travailleurs. Ces campagnards d’été qui ne font pas dans la sensiblerie et se contente de ne pas les écraser…

Le bruit

La première nuit que j’ai passée à Dumont D’Urville, j’ai été réveillée par un bruit que je n’avais encore jamais entendu. C’était tellement fort que j’ai cru que c’était un réveil dans une chambre voisine.

C’est original comme sonnerie de réveil !

Il s’agit du chant que les couples de manchots Adélie entonnent quand ils se retrouvent. Une fois l’œuf pondu, le couple se relaie : l’un couve l’œuf quand l’autre va en mer pour manger. Puis, le pêcheur revient. Le couple se retrouve dans la colonie. Allez savoir comment ! et ils sont contents et ils chantent. Ça fait énormément de bruit, jusque dans les bâtiments.

Les poussins sont les petites boules de poils grises sous les manchots Adélie adulte.

Les manchots Adélie grognent quand tu passes près d’eux. Ils peuvent te poursuivre. S’arrêter à quelques centimètres de toi en se rendant compte qu’ils ne font que quelques dizaines de centimètres quand tu fais 1m75. Ils harcèlent jusqu’aux poussins d’empereurs.

Poussins de manchots Adélie

Et les poussins de manchots chantent aussi. Ça ressemble plus à un cri de poussins. C’est plus agréable à notre oreille. Mais ils grandissent à vue d’œil. Ils sont nourris par les adultes qui leur vomissent une purée de poisson dans la bouche.

Les poussins harcèlent les adultes pour de la nourriture.

A un moment, les poussins deviennent aussi grands que les adultes et les harcèlent pour avoir de la nourriture. Ça aussi ça fait du bruit. Les adultes partent en mer (ils ont faim les pauvres). Puis, les poussins partent en mer et c’est le silence.

L’odeur

Comment vous décrire l’odeur que dégage une colonie de manchots Adélie ? Imaginez l’odeur d’un poulailler où les poules mangeraient du poisson. Ça sent très mauvais. On est content quand il y a du vent.

Le travail fou des ornithologues

Si on veut voir ou même toucher les oiseaux, il faut assister les ornithologues. Ce n’est pas une partie de plaisir pour autant. Antavia, c’est une colonie de manchots Adélie où tout est mesuré depuis leur masse à la sortie et à l’entrée dans la colonie, jusqu’à la croissance du bec des poussins. Antavia, c’est au vent et à l’ombre : il y fait froid. J’ai assisté Mélanie trois fois jusqu’à présent. Je prends les notes quand elle prend les mesures : prise de sang et selles, taille du bec des ailes, poids, comportement parents/poussins… tout y passe.

La première fois en janvier, c’était pour mettre des petits drapeaux sur de tous petits poussins. On a travaillé 2h pour traiter 8 poussins. Mélanie en avait 100 à marquer. Quand les poussins d’Adélie sont deux par nid (ce qui est la norme) on les prend en même temps pour éviter de trop déranger les oiseaux. On parle très doucement et on fait des gestes lents. Seuls des ornithologues vont au contact des nids. Ils se prennent des coups de becs. Pendant que Mélanie mesurait un poussin, j’avais un autre poussin sur les genoux. Ils défèquent partout. J’ai eu froid. Les deux autres fois, c’était pour installer des puces aux poussins Adélie en train de muer (histoire de les suivre une fois qu’ils auront quitté la colonie). Là, il faisait encore un peu plus froid et j’ai attrapé l’onglée.

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Début d’hivernage

Départ de l’Astrolabe

Ce lundi 26 février 2024, c’est le départ de R4. L’Astrolabe a fait un dernier arrêt éclair (4 jours) à DDU, histoire de récupérer les dernières personnes qui étaient ici.

On a dit au revoir le matin aux scientifiques et aux campagnards qui partaient. Ils nous ont quitté par une petite embarcation à 9h pour rejoindre l’Astrolabe.

Après une semaine de vent fort, c’est par une journée magnifique que l’Astrolabe a appareillé. De toute façon, l’Astrolabe ne peut pas manœuvrer dans l’Anse du Lion par plus de 25kt (45km/h).

Toutes les rotations ont été compliquées. Cette fois-ci, après que la météo se soit améliorée, c’est un problème technique sur le petit bateau qui aurait pu retarder le départ. A ce stade, il y avait toujours l’hélicoptère pour faire des rotations. Mais finalement tout le monde a pu prendre le bateau en temps et en heure. En Antarctique, rien d’automatique.

Puis l’Astrolabe est parti faire un tour, laissant quelques campagnards d’été sur le Lion. Ils ont passé encore quelques heures à démonter le quai d’accostage de l’Astrolabe, puis à ranger les machines sur la piste du Lion.

Du côté des hivernants, on était content de les voir partir. On leur a fait au revoir le matin au départ des scientifiques et le soir quand l’Astrolabe est revenu chercher les campagnards.

On attendait la fin de la campagne d’été et le début de l’hivernage. On a fêté cela par d’autres fumigènes et du champagne. Et après quelques dernières blagues échangées à la radio avec l’Astrolabe, on est rentré à la base haute.

La configuration de la salle commune a changé dès aujourd’hui. Le réfectoire n’a plus besoin d’être aussi grand : Nous ne sommes plus que 24. Donc des jeux et une salle cinéma ont envahi le séjour.

Ouf… un peu de nuit.

DDU est toujours aussi beau. Juste plus calme.

Retour sur la campagne d’été

Vous êtes nombreux à me demander comment ça se passe la vie sur place. Comment se passe la cohabitation avec les autres et de quoi se constituent les repas…

Et bien la campagne d’été a été très dense et fatigante. Mais j’ai plein de choses à raconter. Je le ferai sur le blog bientôt, en plus de raconter l’hivernage.

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Lumière

C’est un peu étrange, j’imagine, de parler de la lumière pour le premier article de blog sur la vie sur la base. Mais c’est sans doute quelque chose dont vous ne vous doutiez pas : l’Antarctique, en été, c’est très lumineux.

Jour perpétuel

On parle beaucoup de la nuit perpétuelle. Elle affecterait notre humeur. Sans doute pour nous rendre apathique. Ça, je ne l’ai pas encore vécu. Mais qu’en est-il de la journée perpétuelle ? Quand je suis arrivée à DDU, la nuit se réduisait à quelques minutes.

Manque de sommeil

C’est compliqué de dormir parce qu’avec la luminosité, on ne sent pas la fatigue. Et c’est le cas pour tout le monde. La base est en agitation continuelle. On est vite très fatigué.

Ce n’est pas nécessairement un problème de manque de rigueur. Quand j’arrive dans ma chambre le soir, je ferme les volets. J’allume la toute petite loupiote de chevet et je passe la soirée à lire. Il n’est pas question d’allumer l’ordinateur le soir et de rajouter des difficultés d’endormissement. Et comme je suis fatiguée, oui, je m’endors.

Le problème vient des moments où on se réveille la nuit. Avec le décalage horaire, j’ai encore un sursaut de réveil vers 2h du matin heure locale. D’autres doivent aller aux toilettes ou peuvent se faire réveiller par un voisin. Et là, c’est le drame. La lumière passe partout comme s’il était midi : à travers les rideaux, sous la porte … On est alors pleinement réveillé pour un rien.

Couche d’ozone et coup de soleil

Mais même si la nuit revient au galop, la lumière est toujours présente car contrairement à l’année précédente, jusqu’à présent, on a eu un temps magnifique. Le mois de janvier 2024 se situe au 4ème rang des plus lumineux depuis 1991. L’insolation est excédentaire de 33,6 % par rapport à la normale. Du 12 au 18 janvier, le soleil a outrageusement dominé le ciel.

Sophie, la médecin de la TA74, nous le répète encore et encore. « Pensez à la crème solaire. » Ceux qui l’oublient sont vite rattrapés par la réalité. Ce n’est pas (encore) mon cas, mais les coups de soleil font très mal ici. C’est parce qu’on se trouve sous le trou de la couche d’ozone. Cette couche protège la surface terrestre et notre peau des rayons UV. Comme la concentration en ozone est plus faible en Antarctique, les coups de soleil sont plus fréquents.

Sols réfléchissants

Quand je suis arrivée sur la base, la glace recouvrait encore bien l’île des Pétrels et la banquise avait certes débâclé, mais les morceaux de glace couvraient encore l’océan. Les surfaces étaient bien réfléchissantes. Absolument tout était très lumineux. On est ébloui pour un rien.

Lors de ma passation avec l’ancienne équipe météo, tout le monde a mal aux yeux.

Dans notre dotation, il y a des lunettes de soleil. Je les garde accrochées à mon cou par leur cordon en permanence. Elles font parties de l’équipement nécessaire pour sortir au même titre que le bonnet ou les gants. Elles sont bien sur très noires et de type 4. Mes yeux ont tout de même beaucoup pleuré les premiers temps.

Je ne pense pas que je me sois habituée à la lumière. Mais à présent, la glace a bien fondu que ce soit sur l’île des Pétrels ou sur la mer. Je garde cependant cette routine le matin : 1/ je mets mes lunettes de soleil. 2/ j’ouvre mes rideaux.

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La Poste à DDU

Philatélie et Terres Australes

Depuis 1955, les Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF) émettent leurs propres timbres. Chaque année, les dessins proposés sont examinées par les membres de la commission philatélique des TAAF, qui rend un avis au préfet (ou en l’occurrence à la préfète) sur une sélection au sein de laquelle il/elle retient les 15 à 20 projets de timbres qui sont alors mis en fabrication. Donc, les TAAF ont leurs propres timbres.

Courrier venant de et allant à DDU

Une gérance postale est installée dans chaque district des TAAF. Ainsi, il y a un bureau de poste à Dumont-d’Urville. Nous pouvons recevoir et envoyer du courrier.

Comme pour tout transport en Terre Adélie, l’acheminement des lettres dépend des glaces et ne se fait qu’en été austral (novembre-février).

La marcophilie, vous connaissez ?

Le gérant postal a pour mission le traitement du courrier de la base. Il appose un cachet d’oblitération postale (un tampon) sur l’ensemble des courriers au départ du district. La marcophilie des TAAF est particulièrement appréciée des collectionneurs : chaque mission scientifique, chaque expédition polaire possède son tampon souvenir. La majeure partie des corps de métiers (météorologue, géologue, ornithologue, médecin …) appose son tampon de mission sur les courriers au départ des bases.

Le tampon de la TA74

Le tampon de l’équipe

L’équipe météo en a un réalisé par la fille de Stéphane :

Mon propre tampon

De la même manière, je possède mon propre tampon, avec lequel je marque le courrier que j’envoie. Je l’ai dessiné moi-même sous GIMP.

Il a été approuvé par le préfet des TAAF. Je l’ai fait réalisé en bois et expédié en ligne en 2 jours pour un coût de 20 euros. Il fait 4 cm de diamètre.

J’ai donc envoyé du courrier.

J’ai donc envoyé plein de courrier ces derniers temps.

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Dumont d’Urville

Avant d’aller plus loin dans le récit de mes aventures. Je pense qu’il est temps de préciser un peu où je vais passer mon hivernage.

Terre Adélie

Amusez-vous à trouver Dumont d’Urville sur la Carte.

Oui, vous le savez, c’est en Antarctique. Dans une station française qui s’appelle Dumont d’Urville. Elle se situe au sud de la Tasmanie en Terre Adélie. Dumont d’Urville ne se trouve donc pas au sud de la France.

En rouge, la terre Adélie

Ile des Pétrels

La station se situe sur une île, parmi les nombreuses îles de la côte.

Dumont d’Urville (DDU) se situe sur l’Ile des Pétrels, une des îles de l’Archipel de Pointe Géologie. Ainsi, elle n’est pas à proprement parler sur le continent Antarctique, mais à 5km à peine. La station française de Cap Prudhomme (qui n’est ouverte qu’en été) se trouve, elle, sur le continent.

Zones restreintes

Quand la banquise est présente, on peut passer à pied d’une île à l’autre, par exemple de Pétrels à Rostand à Bernard, voire aller jusqu’à Bélier ou Capricorne et même bien plus loin. Mais au fur et à mesure que l’été progresse, la banquise est de plus en plus fine et il est de plus en plus périlleux d’y aller. La banquise devient progressivement interdite d’accès.

Exemple de zonage banquise (janvier 2024) : La zone 1 est accessible à tous, la zone 2, il faut partir à 2, la zone 3, il faut partir à trois. La ZSPA (zone spécialement protégée de l’Antarctique) est une zone interdite pour la protection des espèces sauvage. Il est également interdit d’aller au Nunatak et sur la manchotière des manchots Empereurs.

Ensuite, l’Ile des Pétrels possède de nombreuses zones dédiées à la science, où il est interdit d’aller sans autorisation, parce que notre présence fausserait les mesures.

Zones réservées principalement à la collecte de mesures. Les mesures magnétiques pourraient être faussées par le fer que nous portons. Les mesures sismologiques par nos pas, etc.

Base de Dumont d’Urville

Il s’agit d’un ensemble de bâtiments. Chacun a son utilité propre depuis le dortoir jusqu’à la menuiserie. Ils sont reliés par des passerelles et sur-élevés pour les plus grands. L’île est couverte de bâtiments de toute sorte (depuis l’immeuble à 1étage au shelter de 4m2). Mais l’activité principale se trouve autour du séjour (B031).

Amusez-vous à trouver le B031

Les personnels techniques en particulier par les bâtiments en donnant leur numéro. Ainsi le dortoir d’hiver (où je dors) c’est le 42.

Bureaux de la météo

Les bureaux de la météo se situent dans le 25 (le BT) à la pointe Ouest de la station. Et vraiment tout à l’ouest, on accède par une passerelle à l’abri de radiosondage (d’où on lance les ballons-sonde).

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Arrivée à DDU

Paysage magnifique

L’Astrolabe est arrivé le pack était cassé. La débâcle a eu lieu dans la nuit juste avant notre arrivée.

Vidéo de la débâcle à DDU par la caméra du BT

Quand je suis arrivée aux abords de Dumont d’Urville (DDU), j’ai vu mes premiers manchots Adélie. Les tous premiers que j’ai vu se déplaçaient sur un morceau de banquise, récemment débâclée. Je les ai trouvés tellement mignons. Vraiment trop choux, ces toutes petites créatures qui jaillissent de l’eau et se déplacent en bandes. Ma réaction d’émerveillement a fait rire Gérald, un campagnard d’été. Les campagnards sont manutentionnaires, plongeurs, conducteurs d’engins, soudeurs, plombiers, électriciens… Ils viennent à Dumont d’Urville les quelques mois d’été mais repartent avant l’hivernage. Ils viennent la plupart d’une année sur l’autre. La banquise… les manchots… ils connaissent ! Et personne ne trouve les manchots Adélie mignons très longtemps.

Un phoque sur un morceau de banquise

Depuis l’île des Pétrels, ou la piste du Lion, où l’Astrolabe doit s’amarrer, on voit le glacier de l’Astrolabe.

Le continent Antarctique

La glace du glacier est plus transparente et plus bleue que la glace de mer, qui est bien blanche. C’est magnifique.

Le glacier de l’Astrolabe

Le jour le plus long

Bref, nous sommes arrivés le 12 décembre 2023 au matin.

Nous avons vu le ballon-sonde des collègues partir à 9h00… et puis, nous sommes repartis faire les tours de bateau.

On fait des ronds dans la banquise

A ce stade, il fallait attendre que le personnel du port soit près à nous accueillir et mette en place le quai. Donc nous sommes restés à faire des ronds dans l’eau jusqu’à 12h. L’Astrolabe cassait la glace. Donc nous avons mangé le repas de midi sur le bateau.

Quand nous sommes entrés dans l’Anse du Lion (cf. cartographie de DDU), le bateau a beaucoup perturbé les manchots qui ont l’habitude de plonger à cet endroit.

On voit depuis l’Astrolabe deux colonies de manchots : des Empereurs et des Adélies

Et là, c’est le drame. Un résidu de banquise est venu se loger entre le quai et bateau.

Le fameux petit bout de banquise qui nous empêche de débarquer

On a eu un mal fou à l’évacuer. Comment un bout de glace du tier de la surface d’un brise-glace peut-il empêcher un débarquement ? Il faut le voit pour le comprendre. Le brise-glace ne pouvait pas le casser en montant dessus car le morceau de glace se déplaçait avec les vagues. Nous étions trop loin de quelques mètres pour débarquer. Il fallait réussir à l’évacuer, mais comment ? En repartant et revenant sous un autre angle quelques fois ? Ca n’a pas marché. C’est en tapant dessus avec un tractor-Pelle qu’on a réussi à le casser, puis évacuer les morceaux. C’était un avant goût des nombreuses contraintes techniques avec lesquelles on doit vivre en Antarctique.

L’engin qui tape sur le glaçons

Accueil à la base

Emilie, la médecin, et les météos de la TA73 (Terre-Adélie 73 – Les hivernants de l’année précédente) sont venus nous chercher sur la quai. Ils ont dû attendre longtemps.

Ils nous ont montré les bâtiments. Nos chambres et nos affaires nous attendaient. Je partage ma chambre avec Lise (la menuisière).

Accueil des nouveaux

Le lendemain, nous avons eu un accueil au séjour, histoire de parler des quelques règles de vie sur la base.

Manchots Adélie au coeur de la base

Puis nous sommes partis sur la banquise pour une formation sur le comportement qu’il faut avoir.

Première sortie : des ornithologues dans les rochers et des phoques sur la banquise.

Est-ce que vous saviez que Thomas Pesquet a séjourné sur la base de Dumont d’Urville ? Bon, j’avais déjà pris le bus avec lui en allant sur le port d’Hobart. J’allais y séjourné, il allait faire un test Covid. Et comme dirait Lise :

« Ma sœur me dit : « Tu ouvriras l’oeil. Il y a Thomas Pesquet sur la base. » — C’est pas comme si je l’avais croisé en calbut en allant à la salle de bain cette nuit. ».

Devinez qui est de dos en doudoune noire

Thomas Pesquet, tout le monde en parle. Mais durant la passation, on avait autre chose à faire que des selfies. Avec Pauline, nous lui avons présenté la météo. Il nous a fait une belle présentation le jeudi suivant sur son travail et ses projets. Mais le fait que les visites des officiels (lui et Olivier Poivre d’Arvor, dans un premier temps, puis des députés et la préfète des TAAF dans un second) nous ont pris beaucoup de temps, sur un temps de passation qui était déjà trop court.

Mal de Terre

Une dernière chose : Les premiers jours sont compliqués parce qu’on a le mal de terre. Ne riez pas. Je n’ai pas eu beaucoup de mal de mer. Je suis chanceuse. Mais le sol de la station a tangué autour de moi pendant plusieurs jours en arrivant sur la base.

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DURANT LE VOYAGE PAS ENCORE TRADUIT SCIENCE

Science à Bord de l’Astrolabe

L’Astrolabe nous amène de Hobart à DDU. Mais il sert aussi à la recherche scientifique. Des aménagements particuliers ont été réalisés pour faire des prélèvements : au moins une rampe de lancement des sondes XBT et un robinet de prélèvement d’eau de mer. Deux projets s’y déroulaient durant ma traversée. Ils se plaçaient tous deux dans le cadre d’une meilleure connaissance de l’océan global.

Profils de température par XBT

Dans l’Astrolabe, je partageais mon poste (ma chambre) avec deux scientifiques qui se relayaient pour faire des mesures de profils de température tout au long de la traversée entre Hobart et Dumont d’Urville. Comme chez les marins, elles faisaient des quarts. Il ne fallait pas faire de bruit, ni la nuit, ni le jour parce qu’il y avait toujours quelqu’une qui dormait dans la chambre.

J’ai eu la chance de participer pendant quelques heures à leur programme scientifique. Elisa avait pour projet de valider une paramétrisation de hauteur de l’océan en combinant 1/ la fauchée d’un satellite défilant qui passait juste au-dessus de l’Astrolabe entre Hobart et Macquarie (qui lui donnait cette hauteur) et 2/ les profils de températures de l’océan que nous allions mesurer à l’aide de sondes XBT.

Ordinateur de l’acquisition des données avec la trajectoire du bateau.

Les profils étaient mesurés toutes les heures ou toutes les deux heures durant la majeure partie de la traversée. Mais sur certaines portions de notre voyage (quand nous étions sous la fauchée du satellite) nous passions en période d’observation intensive durant laquelle les sondes étaient lancées toutes les 20min.

Les sondes XBT

En général, nous étions 2 ou 3 par équipe et nous lancions les sondes durant 2h avant d’être relayés. Quand le bateau penche d’un coté, il faut lancer du coté qui n’est pas libre d’eau. Donc en fonction du vent, le lancer ne se fait pas toujours du coté de l’ordinateur qui fait l’acquisition des données. Il faut faire le lancer, puis revenir pour visualiser l’acquisition.

La rampe pour lancer les XBT (fermée) dans la cale de l’Astrolabe

C’est compliqué de passer de bâbord à tribord entre chaque lancer.

Chemin difficile d’accès que nous empruntions entre bâbord et tribord

Isotopes

Un autre projet consistait à prélever des échantillons d’eau de mer pour mesurer le rapport isotopique entre l’oxygène 16 et l’oxygène 18 sur le trajet. Une fiole numérotée est remplie toutes les heures. Ouvrir un robinet, c’est beaucoup moins contraignant que de travailler sur les sondes XBT et on peut le faire seul.

Robinet pour remplir les fioles
Fioles étiquetées

Dans la cale

Les deux projets se déroulent dans la cale de l’Astrolabe. Il s’agit de l’entrepôt de la cargaison. On y fait du sport, en particulier sur un vélo d’appartement. Comme tous les meubles du bateau, il est bien attaché au sol.

Vélo d’appartement de la cale de l’Astrolabe.

La pièce est vaste et encombrée.

La cale vue de dessus.

Elle est bruyante, froide et humide.

Cordages dans le passage avec quelques traces d’eau au fond.

Si on était seul durant les expériences, ce serait un peu triste de se sacrifier ainsi pour la science.