Vous ne vous en rendez peut-être pas compte, mais on se fait des cadeaux partout : aux anniversaires, aux départs à la retraite, aux retours de mission, de vacances, aux fêtes des pères, des mères, quand on est invité, pour remercier, etc. A Dumont d’Urville, c’est pareil : on s’offre des cadeaux, mais ici, on n’a pas de magasin. Comment faire?
Il fallait prévoir … ou pas
En partant à DDU, je savais que j’allais faire des petits cadeaux pour les 24 anniversaires des hivernants. Mais je n’avais pas bien compris l’esprit des cadeaux entre hivernants. J’avais acheté des petits goodies à 2 euros : des balles, des magnets, des nounours… Pas trop volumineux, pas trop chers, pas trop personnels (nous ne nous connaissions pas à l’époque), mignons. Ce n’est pas du tout ce qu’il faut ! Très vite, on connaît les gens. On veut offrir de vrais cadeaux. C’est mieux si c’est personnel, voire fait-main.
Bref, mes petits cadeaux-goodies ont servi de lots dans un loto-bingo et je me suis mise comme tout le monde à fabriquer mes propres cadeaux.
Goodies et autres truc qui ont fait lot lors de la soirée Loto-Bingo
Fait maison
Vincent (technicien météo) a amené des T-shirts et du papier à imprimer : industriel, mais personnalisable. C’était très bien vu. On reçoit un T-shirt avec un dessin à soi.
Une grosse partie des cadeaux relève des loisirs créatifs. On nous avait d’ailleurs conseillé d’en prendre avec nous : le tricot, la couture, la maroquinerie, l’argile et la peinture… Les anniversaires donnent un but aux créations. D’autant, qu’il a (un peu) de matériel à disposition à DDU.
Dans ce style, j’avais apporté de la laine : j’ai fait un bonnet et j’ai donné beaucoup de laine autour de moi pour que d’autres fassent des cadeaux. J’ai aussi fait un mobile en origami avec du papier trouvé à DDU. Mais tous les matériaux servent, du carton aux métaux. Et ceux qui savent dessiner offrent beaucoup de dessins.
Mobile Origami Manchots Empereur et Skuas
Le plus compliqué est de trouver du papier cadeau. Il n’y en a pas sur place.
La Meus’ et le Sipo’
Mais n’allez surtout pas croire qu’on offre des colliers de nouilles. C’est qu’il y a du niveau dans les savoir-faire. Il y a huit techniciens avec du matériel et du savoir-faire parmi les hivernants. Alors, le jeu en bois ou le bijou pourrait venir du commerce. Du coup, la menuisière ou celui qui sait souder sont très sollicités. D’abord, parce qu’on veut que nos cadeaux soient jolis et durables, et aussi parce qu’on a envie de tester la gravure à commande numérique ou l’imprimante 3D. Aurais-je encore l’occasion de toucher à ces engins dans ma vie ? Peut-être pas. L’anniversaire d’untel fournit la meilleure occasion. Je me suis moi-même bien faite aider de Lise (la menuisière) pour fabriquer une lampe et une gravure.
Un cadeau qu’on m’a fait à la gravure à la commande numérique
La carte de bar
En venant à DDU, on a tous apporté de la nourriture et certains ont apporté de l’alcool dans leurs malles. Ce n’est certainement pas pour les manger ou les boire tous seuls. On offre des coups à boire et on paie des mètres de shoots. Moi qui ne boit rien de rien, ma carte de bar ne sert qu’à cela. Mais certains ont des ardoises conséquentes avec cette tradition.
Les cadeaux à distance
Et comment fait-on pour faire des cadeaux à ses proches au pays ? Les réservations de cadeaux en ligne, ici il faut oublier. Nous ne recevons pas les SMS à DDU. Les validations de commandes sont bien souvent impossibles.
Autant envoyer un petit message avec une photo ou une vidéo :
Message sur un ballon Météo.
Ou un petit mot personnalisé :
Bulletin Météo Anniversaire Sophie à 1min30
Un concours de popularité
La dernière fois que j’ai eu autant de cadeaux à mon anniversaire, j’étais enfant. Et ça m’a fait très plaisir. Bref, on donne, mais on reçoit aussi beaucoup de cadeaux à DDU. Enfin, c’était vrai en début d’hivernage quand on avait le temps, l’énergie et moins d’anniversaires qui tombaient en même temps. Là, avec la campagne d’été qu’on doit préparer de notre côté, on a moins de temps pour les petites attentions. Et pourtant, le cœur y est.
Mes cadeaux couture de Lise et maroquinerie de Léa
Après deux grosses journées de veille, je suis contente que mes jours de repos commencent par une période de beau temps. Par beau temps, j’entends « pas de vent ». Début octobre est incroyable. Après le mois de septembre très venteux que nous avons eu, il y avait même du soleil. Plein d’activités se remettent alors très vite en place : les sondages de la banquise permettent d’étendre le périmètre de sécurité. Les biologistes partent à la recherche des phoques qui sont en train de mettre bas. Et l’équipe technique transfère du gasoil.
C’est quoi un transfert gasoil ?
En prévision de la campagne d’été, et du premier voyage (Raid) vers Concordia et des Raids scientifiques, l’équipe technique hivernante apporte le gasoil stocké sur la piste du Lion aux cuves de Cap Prud’homme sur le continent, soit à 6km de distance. Ils le font en roulant sur la banquise en tracteur.
Ils ont sondé la banquise, tracé et damé la route, sont allés chercher des cuves vides de 12m3, stockées à D3 sur le continent. La pente entre D3 et le niveau de la mer (D0) est raide, cela demande de sécuriser un tracteur Challenger par une dameuse. Le tracteur tracte la cuve et la dameuse retient le tout.
Piste entre la Piste du Lion et Cap Prud’homme
Les cuves de stockage de la piste du Lion sont vidées dans les cuves de transfert. Puis les Challenger font des allers-retours entre la piste du Lion et D0, où le gasoil est transféré vers d’autres cuves de stockage. Un Challenger tracte une unique cuve. Au total, il faut transférer près de 600m3 de gasoil.
Pour des questions de sécurité, personne n’est jamais seul sur la banquise. Pas même, ou surtout, un conducteur dans sa machine. Donc, entre les personnes qui pompent, celles qui transfèrent, qui doivent être à deux, celles qui sont de repos, celles qui surveillent encore la centrale… l’équipe technique (8 personnes) ne suffit pas. Ils ont besoin de monde.
J’avais l’intention d’y aller depuis des semaines mais après une longue phase de préparation, les techniciens sont allés très vite. C’étaient les derniers jours pour pouvoir participer à un transfert. J’ai candidaté.
En Antarctique, rien d’automatique
La veille au soir, je conviens avec Ugo, le responsable technique, que je rejoindrai l’équipe l’après-midi au niveau de la piste du Lion. Je serai avec Lise dans un Challenger. J’aiderai à mettre et enlever les remorques des cuves de gasoil.
Le matin, je suis de service base. Je fais le ménage des communs. J’ai préparé mes affaires pour l’après-midi : mon sac banquise, une tenue qui a un peu vécu, un goûter, des chaufferettes …
A midi, on est à peine une petite dizaine à table parce que tout le monde est en mission à l’extérieur (ils partent avec leur pique-nique). Et Lise m’annonce qu’elle ne part plus : le reste de l’équipe technique a bien avancé, ils ont refait le programme et partiront à deux Challengers l’après-midi. Lise apprend qu’elle n’est plus du voyage. En Antarctique, rien d’automatique.
Dahan (électricien) et Natacha (ornithologue) qui vient aider au transfert sur le Lion.
Je demande par radio à midi s’ils ont toujours besoin de moi. Mathis, le mécanicien me répond qu’ils m’attendent. Branlebas de combat : j’enfile ma VTN de travaille, je vais chercher ma radio, j’oublie au passage de prendre de l’eau et je laisse mon portable dans l’autre VTN, je cours jusqu’à la piste du Lion.
Je croise Ugo qui me dit que les gars jouent aux bonhommes, que si je suis fatiguée ou que j’ai froid, je peux rentrer. Je lui réponds que s’ils jouent aux bonhommes, je n’hésiterai pas jouer à la fifille.
Challenger
Laurent (second de centrale) m’attend tranquillement en mangeant son sandwich. La cuve est déjà attelée. Il m’explique comment l’attelage et le dételage de la cuve se font.
Un Challenger, c’est un tracteur de 15 tonnes avec des chenilles et 256 chevaux sous le capot. La dameuse fait toute petite face à un Challenger. On monte dans une cabine minuscule. J’avais vu les machines travailler au loin, mais je n’étais jamais montée dedans. Nos sacs « banquise » prennent beaucoup de place.
Manchots
On quitte la piste du Lion pour accéder à la banquise et là, nous tombons sur une colonne de manchot. Ça prend toujours quelques minutes, les manchots ont la priorité.
Manchots qui travers la piste entre la piste du Lion et la banquise
Les manchots Empereur passent préférentiellement par l’Anse du Lion pour aller du Nutatak, où se trouve leur colonie, à la mer, où se trouve leur nourriture. Ils se suivent en file indienne d’une dizaine d’individus en se dandinant. Quand on est à pied et qu’on attend un creux entre deux colonnes pour traverser, il arrive qu’un des manchots nous voit et se dirige vers nous parce qu’ils sont curieux. Ça peut alors devenir très compliqué parce qu’on n’a pas le droit de les approcher et que les individus peuvent restent bloqués devant nous sans bouger. Et on ne passe plus. Bref, il faut tout faire pour qu’ils restent focalisés sur leur objectif : du poisson. Moi, ma stratégie c’est de me cacher. On a moins ce problème avec les machines. Avec le bruit, ils s’activent même un peu plus. Vous avez dit « stress » ?
Manchots qui montent vers la piste du Lion. Ils se sont trompés de chemin et repartent vers la banquise
Avec Laurent, on s’est quand même dit que si on devait attendre 5 min à chaque passage, ça allait être long. Mais on a eu plus de chance sur les autres passages.
Sur la banquise
On roule à 30km/h sur la banquise sur les 5km qui nous séparent de Prud’homme. La glace de mer fait au moins 1,2m d’épaisseur mais, il reste que en dessous c’est l’océan. Les conducteurs n’y pensent pas. Pour eux, c’est une surface proche de la terre et donc plus agréable que la neige.
Dans le Chal’
On écoute SkuaRock, la WebRadio de DDU. C’est une playlist type ChérieFM, sans les commentaires ni les pubs. C’est étrange à entendre, ici en Antarctique, alors que je n’ai pas écouté la radio depuis un an. On regarde le paysage en parlant de la fin de la campagne et des futurs vacances.
Il fait un temps magnifique. Il fait toujours -10°C. On ne se fait pas d’illusion, mais le soleil réchauffe directement nos peaux (crème solaire) et nos vêtements. J’ai presque trop chaud.
A Cap Prud’homme.
Le 2 octobre, les dernières cuves arrivent à D0. On ne fait plus de transfert, mais on laisse les cuves sur place. Il faut se coordonner pour savoir où les mettre. Mathis et Geoffrey nous attendent à Prud’homme. Les manœuvres ne sont pas simples avec le peu d’espace et la neige qui s’ameublit. Mais les conducteurs sont habiles. Ils partent en marche arrière pour placer les cuves. Je n’aide pas à la manœuvre, mais j’accroche ou décroche les remorques. Je mets l’attache et je desserre la sangle à cliquet… bien grippée.
Toutes les cuves sont installées à D0.
Et j’ai pris le volant
Mathis a formé les autres techniciens à la conduite d’engins. Ses explications étaient bien rodées et dans une ligne droite, en roulant, à 20km/h, j’ai ouvert la portière, je suis sortie, il est sorti, je me suis mise à la place conducteur et j’ai pris le volant.
On a fait deux ou trois allers-retours avec Laurent, puis Mathis me dit : « Tu veux monter avec moi, je te fais conduire ». Je suis montée avec Mathis.
Vidéo de Mathis
Retour
Laurent et Mathis ont fini le dernier transfert tout seuls. Je suis rentrée avec Geoffrey en Challenger. On est passé faire le plein au hangar Engins et on est remonté à la base haute. A 18h, il fait frisquet. Le soleil commençait à disparaître. Par ciel clair, les températures passent de -10°C à -20°C très vite. C’était une excellente journée.
J’écris ces lignes fin août. Nous sommes encore en plein hiver, donc les tempêtes s’enchaînent, mais le minimum de lumière (le 21 juin) est loin derrière nous. J’en profite donc pour faire un bilan de la période la plus sombre de notre hivernage.
Parlons des risques
Cassons tout de suite un préjugé. DDU est sur le cercle polaire (66° Sud), mais pas au-delà du cercle polaire. Nous n’avons pas vécu de nuit polaire, mais bien des journées très très courtes.
Tout le monde sait que la lumière c’est important. Mais on comprend pas combien c’est important avant d’en manquer. La lumière est essentielle pour la synthèse de la vitamine D et pour le rythme circadien. Les risques sont de la fatigue, mais aussi des difficultés à dormir, irritabilité, troubles alimentaires, musculaires et dépression.
Les symptômes se sont vite faits sentir dans l’équipe. Les résultats étaient en chute libre à la salle de sport. Les gens étaient moins disponibles pour faire des jeux. Il n’y avait pas davantage de disputes, mais moins de tolérance entre les hivernants et moins d’efforts aussi, en particulier pour aider les services bases (les tours de ménage). Pour ma part, j’ai ressenti une fatigue bien particulière. Imaginez que vous vous levez fatigués le matin, mais que la fatigue ne vous quitte pas de la journée. J’ai eu les pires crampes de ma vie, qui s’expliquent par un manque de vitamine D, mais aussi la déshydratation. J’ai aussi mal vécu d’entendre une litanie de plaintes émanées des canapés du séjour, comportement qui a complètement disparu depuis que le soleil est de retour. Je pense qu’il y a un lien.
Scène de la vie quotidienne dans la nuit antarctique
Je ne résiste pas à vous raconter une scène de la vie quotidienne dans l’obscurité de l’hiver antarctique. Un matin de juillet, je suis de veille, c’est-à dire que j’assure les tâches de prévisions et d’observations météorologiques. J’embauche à 7h pour les premières prévisions, puis je prends mon petit-déjeuner à 7h30. Comme d’habitude, à cette heure-là, il n’y a que C* au séjour. Il n’est pas content : toutes les machines à laver sont occupées. Je trouve le prétexte puéril, preuve que je ne suis pas bien lunée moi-même. Mais je laisse couler. S* arrive. « Ça va ? Bien dormi ? » – « Non ! Il y a des choses sur la base qui m’énervent ». Ambiance ! J’ai eu beaucoup de mal à l’écouter. Moi aussi, plein de choses m’énervent. Je ne prends pas la liberté d’embêter les gens avec ! Je retourne au bureau. Enfin seule ! Je prépare le ballon pour le radio-sondage. V* arrive au travail et ses premiers mots sont : « Journée de merde ! ». Ce matin-là, les trois premières personnes que j’ai vues étaient de très mauvais poil, pour des motifs ridicules. On est content quand le soleil revient.
*Je n’affiche pas les prénoms pour plus de discrétion
Des sorties, vitamine D et luminothérapie
Pour lutter contre ces problèmes, la médecin nous administre de la vitamine D tous les midis.
Sophie (la médecin) donne la becquée de vitamine D à Clément et Laurent
Elle nous a installé une lampe de luminothérapie dans le séjour et organise des sorties de quelques dizaines de minutes pour recaler notre rythme circadien. Et puis, on s’organise entre nous pour sortir randonner dès qu’on peut.
Randonnée sur les hauts de Bernard durant le jour le plus court. Il est midi.
Pour ma part, la fatigue matinale a disparu avec 30 min de luminothérapie au bureau le matin.
Midwinter, WIFFA et Jeux australiques
De façon générale, le manque de tonus des hivernants en hiver est bien connu. C’est pour cela que de nombreuses activités sont traditionnellement organisées au sein des bases, et entre les bases antarctiques.
La Midwinter
C’est une semaine de vacances où les hivernants de DDU organisent des activités. J’aurais pu en faire un billet de blog. Mais la Midwinter est décrite sur tous les blogs de DDU. C’était sympa et bon enfant. Avec mon équipe, on a organisé une chasse au trésor. On a fait une scène ouverte et une gay pride. On s’est bien amusés.
Midwinter
Jeux australiques
Il s’agit d’une compétition sportive entre les trois districts austraux (Crozet, Kerguelen, Saint Paul et Amsterdam), la base franco-italienne de Concordia, et celle Dumont d’Urville.
Les épreuves sont très nombreuses et il y en a pour tous les goûts : du crossfit à l’essuyage de vaisselle, du dessin à la chorégraphie. Toute la base a participé.
Cette année, DDU est arrivé deuxième.
WIFFA
Le festival du film antarctique ou Winter International Film Festival of Antarctica (WIFFA) est un festival cinématographique annuel ouvert exclusivement à ceux qui passent tout l’hiver en Antarctique ou dans les zones subantarctiques. Le festival produit des courts-métrages d’une durée maximale de 5 minutes et se divise en deux catégories :
le « 48h » qui se déroule généralement au cours de la première semaine d’août : le jour du début de la compétition, les stations participantes reçoivent une liste des cinq éléments qui doivent être inclus, et le film doit être prêt à être projeté dans les 48 heures qui suivent.
l' »Open » où tous les sujets sont autorisés.
Cette année, DDU a participé aux deux compétitions l' »Open » et le « 48h ». Je joue une méchante dans l' »Open » et j’ai participé aux montages. On attend encore les résultats.
En bref
Ce n’est pas un hasard si je ne parle du manque de lumière qu’à la fin de l’hiver. J’étais prise d’une grande flemme, qui a pris fin dès les premiers rayons de soleil à nouveau présent. C’est vite passé et je continue à trouver la nuit perpétuelle moins pénible que le jour perpétuel .
La nuit est de plus en plus présente à Dumont D’Urville. Ça nous permet de voir de plus en plus d’aurores, mais aussi un rayon vert dans le ciel. Il s’agit d’un faisceau laser. Florent (opto-électronicien ou lidariste pour nous) du LATMOS s’en sert pour étudier la stratosphère.
Stratosphère polaire
La stratosphère est la 2ème couche de l’atmosphère (après la troposphère). Elle débute entre 8 et 16 km (selon la latitude) et s’achève à 50 km d’altitude. C’est là que se trouve la couche d’ozone, entre 15 et 25 km. Cette couche est primordiale pour la vie sur terre, car elle absorbe les rayonnements ultraviolets et protège ainsi les organismes vivants à la surface.
Schéma théorique de composition de l’atmosphère.
Aujourd’hui, de nombreuses questions scientifiques cruciales exigent une connaissance approfondie des processus stratosphériques et de leur évolution à long terme.
En Antarctique, en hiver austral, le pôle ne reçoit pas de lumière solaire. Cela crée un important gradient de température entre les hautes et moyennes latitudes. La stratosphère polaire est alors isolée. Sans rayonnement solaire pendant l’hiver, la température chute, jusqu’à atteindre des extrêmes permettant des réactions chimiques spécifiques et en particulier, celles menant à la destruction de la couche d’ozone.
Trou de la couche d’ozone
La destruction hivernale de la couche d’ozone polaire a été découverte dans les années 1970-1980. Depuis, des efforts de recherche internationale majeurs ont été faits pour identifier les causes de ce trou de la couche d’ozone, menant en 1987 au Protocole de Montréal, interdisant les gaz chloro-fluoro-carbone (CFC).
Crédit IPEV
Cependant, il existe encore de fortes incertitudes sur le retour aux niveaux d’ozone pré-1980. Dans ce cadre, un lidar a été installé à DDU en 1989. Il fournit les mesures permettant l’étude des nuages stratosphériques polaire, et de l’impact sur les processus stratosphériques d’événements ponctuels, tels que le volcanisme ou les feux de biomasse.
Nuages stratosphériques polaires
Dans la stratosphère, il y a très peu d’eau, mais il y en a un petit peu, assez pour créer les Nuages Stratosphériques Polairies (PSC -Polar Stratospheric Clouds). Ils sont composés d’un mélange d’eau, d’acide nitrique et d’acide sulfurique, qui se combinent différemment selon les conditions atmosphériques, formant des cristaux plus ou moins gros, ou encore une solution liquide en surfusion. Ces nuages n’apparaissent qu’en hiver et dans le vortex polaire (isolés des masses d’air des moyennes latitudes), car ils ont besoin de températures suffisamment basses pour se former.
Nuages nacrés, probablement des PSC
Les PSC sont étudiés depuis les années 1880. Ils sont cruciaux dans les mécanismes de destruction de l’ozone stratosphérique. Ils permettent des réactions chimiques à leur surface. Ces réactions dites hétérogènes, entre deux phases, par exemple glace et air, et activent des réservoirs chlorés. En fin d’hiver, ils entraîneront une destruction catalytique de l’ozone. Sans PSC, donc sans ces réactions hétérogènes, il n’y aurait pas de destruction d’ozone.
Les mesurer permet de mieux définir leurs caractéristiques, de mieux les représenter dans les modèles atmosphériques et de mieux comprendre leur impact dans le changement climatique.
Longue série temporelle de mesure du lidar : une saison riche en PSC
Les aérosols
Les aérosols atmosphériques sont de fines particules en suspension dans l’atmosphère. Dans la stratosphère, ces aérosols sont présents toute l’année entre 15 et 25 km. Ils sont principalement soufrés, produits par des éruptions volcaniques, ou carbonés, générés par de gros feux de forêt. On étudie leur évolution et leurs interactions : comment est-ce qu’ils se rependent dans la stratosphère, et est-ce qu’ils influencent la formation des PSC ? D’autant qu’ils ont eux-même une chimie hétérogène qui peut entraîner la destruction d’ozone.
Le rayon rouge c’est la frontale de Lise
L’étude des aérosols ne passe pas que par les mesures lidar. La richesse des instruments satellitaires permet également de suivre leurs panaches et leur concentration, de même que les mesures in situ de ballons atmosphériques avec sonde-ozone.
Feux de biomasse
Les feux de forêt produisent des particules carbonées (contenant des atomes de carbone). Au cours des 20 dernières années, on s’est rendu compte que ces particules pouvaient atteindre la stratosphère. Depuis 2017, on sait que ces injections d’aérosols peuvent être de la même ampleur qu’une éruption volcanique modérée. Une fois passés dans la stratosphère, ces aérosols sont mesurés sur des durées inédites, comme les feux de forêts australiens de 2019-2020.
Leur présence inattendue dans la stratosphère pose de nouvelles questions sur nos connaissances de la stratosphère, d’autant que les feux de biomasse sont susceptibles d’être plus fréquents avec le changement climatiques.
Volcanisme
Les volcans émettent des particules soufrées (contenant des atomes de soufre). L’éruption du Hunga Tonga–Hunga Haʻapai est une éruption historique qui a eu lieu le 15 janvier 2022.
Éruption du Hunga Tonga–Hunga Haʻapai le 15 janvier 2022
Une quantité d’eau inédite a été injectée jusqu’à +50 km et a atteint la mésosphère. Le panache d’aérosol injecté s’est répandu dans les deux hémisphères.
C’est quoi un LIDAR ?
Les lidars, il y en a dans plein de domaines différents. Rien que dans les sciences atmosphériques, il y en a pour mesurer la vapeur d’eau, le vent, d’autres mesurent la topographie, etc. L’idée est toujours la même : on envoie une onde lumineuse et on voit ce qui revient.
Schéma de fonctionnement d’un lidar
Florent envoie un faisceau lumineux dans l’atmosphère. Ce qui revient vers son télescope a été réfléchi par l’atmosphère elle-même ou par des particules en suspension dans l’air.
Émission
Le faisceau initial contient 3 longueurs d’ondes : 532 nm (vert – c’est celui qu’on voit), 1064 nm (dans l’infra-rouge) et 355 nm (dans l’ultra violet). Florent a mis en place les mesures dans l’UV, lors de la campagne d’été de 2022. Le lidar émet à l’horizontale, le faisceau est réfléchi par un miroir (parfaitement réglé) pour le mettre à la (parfaite) verticale.
Lidar
Le signal n’est pas émis en continu. Le laser envoie des impulsions à 10Hz. Cela permet d’avoir une alternance de périodes d’émissions du faisceau par le laser et de réception de la lumière réfléchie par le télescope. A chaque tir, une partie importante du signal revient de la troposphère jusqu’à 6-8km. Cela n’intéresse pas Florent et pollue le signal. Il utilise un obturateur mécanique, qui est une roue trouée. Elle tourne vite (à 800Hz) et elle est finement synchronisée pour bloquer les périodes où le signal reçu revient de la troposphère.
Réception
Après avoir été réfléchie par l’atmosphère, les nuages et les particules, la lumière revient vers DDU. Nous ne voyons pas le signal réfléchi. C’est pourtant celui que Florent détecte à l’aide de son télescope.
Le télescope est un gros miroir convexe. Pour capter le maximum de signal, il a un large champ de vue conique. La lumière est envoyée sur des filtres (des lames séparatrices) qui redivisent physiquement chaque longueur d’onde. Des détecteurs comptent le nombre de photons et le tout est envoyé à une baie d’acquisition.
Séparation de la lumière réfléchie en différentes longueurs d’ondes.
Le signal de retour est très faible et invisible à l’œil nu. Comme l’air est moins dense dans la stratosphère que dans la troposphère, le signal qui revient de la stratosphère est d’autant plus faible. C’est pourquoi on utilise un laser le plus puissant possible et de très longues mesures : on somme le signal de retour sur 15min minimum (1h-1h30 pour être sûr) afin d’avoir un rapport signal sur bruit conséquent.
Le lidar produit une onde polarisée. Florent mesure la polarisation de l’onde qui revient. L’eau liquide ne modifie pas la polarisation de la lumière, alors que la glace oui. On peut ainsi savoir s’il y a de l’eau liquide dans les nuages. On peut également faire des hypothèses sur la composition de certains panaches d’aérosols sondés, selon les propriétés optiques mesurées.
Les données
Les données acquises ici sur les aérosols et les PSC ne sont pas comme les données météos transférées en temps réel mais « suffisamment souvent ». Le réseau NDACC (Network for Atmospheric Climate Changes) finance les mesures d’ozone un peu partout sur Terre. Les données de DDU y sont en accès libre. Elles servent ensuite, avec les mesures satellites et in situ, à améliorer les modèles numériques et à mieux comprendre le fonctionnement de la stratosphère.
La cuisine est gérée par Clément, le cuisiner et Juliette, la boulangère- pâtissière. Ils font preuve de créativité afin de garder le moral des troupes au plus haut ! C’est bon, varié et équilibré.
La cuisine, c’est important pour le moral. A DDU, on s’habitue à un certain luxe.
Pas comme ça tout les jours, mais parfois…
Charge mentale en moins
A DDU, personne n’a à se soucier des courses ou à préparer le repas. Le frigo est toujours plein. C’est l’équipe de cuisine qui s’occupe de tout. Le service a lieu tous les jours à heure fixe, sous forme de buffet (la plupart du temps).
A des milliers de kilomètres de tout supermarché, rien n’est bio, local ni de saison. Les denrées sont transformées, surgelées, déshydratées et nos produits frais, tels que les fruits et légumes, ne tiennent que quelques mois. Et pourtant c’est bon, varié et équilibré (la plupart du temps).
C’est bon et équilibré…
Durant la mid-winter, la cuisine était en pause. Ce sont les hivernants, qui à tour de rôle se sont occupés de la cuisine : on a eu une semaine de plats très bons, mais très riches. Ce n’est pas si simple de cuisiner peu gras, peu salé, peu sucré. Et c’est le cas avec les pros : on évite les frites tous les jours. On a des fruits toujours à disposition (jusqu’à pénurie). Tout le monde a sa dose de féculents et de protéines.
… mais Juliette, c’est le diable
Juliette prépare un dessert par jour. Faites le compte ! Il en faut des idées pour faire quotidiennement des desserts différents.
Juliette, c’est le diable. Ses desserts sont très parfumés sans que le sucre ne domine. Elle aime le beurre, mais elle donne à ses préparations un aspect léger et sain. Elle accompagne les gâteaux les plus bourratifs d’une petite compote ou une petite salade de fruit, pour les faire passer pour inoffensifs.
Certes, rien ne nous oblige à manger du gâteau tous les jours. Mais c’est compliqué de résister. Et il en reste toujours un peu dans le frigo pour le goûter ou le soir.
Presque du sur-mesure
On mange tous la même choses, à quelques détails près.
Il y a 8 personnes déclarées végétariennes sur le site. Je dis « déclarées » parce que j’en fais partie, et je ne suis pas strictement végétarienne. Je considère que je n’ai pas besoin de viande à tous les repas. Les œufs, les légumineuses et le soja, c’est bien suffisant comme source de protéine.
Wellington végétarien
Il n’y a pas d’allergies alimentaires à DDU. Ça fait partie des tests que l’on passe pour venir. Mais, il y a les goûts et les intolérances de chacun. De temps en temps, un peu d’un plat, sans oignon ou sans poivrons, est réservé pour les personnes qui n’en veulent pas. Et si le plat ne convient vraiment pas, il y a toujours la possibilité de piocher dans le frigo collectif du séjour.
Chacun son petit-déjeuner
Le café, c’est tellement sacré que c’est l’affaire du service-base : les personnes qui font le ménage et la plonge s’occupent aussi de préparer le café pour tout le monde. Ils s’en occupent la veille au soir pour le lendemain.
Le pain est prêt pour le matin. La personne de quart de nuit (quand elle y pense) s’occupent d’apporter ce qu’il faut pour la petit-déjeuner. On arrive au compte-gouttes et comme à l’hôtel. Puis chacun se sert suivant ses habitudes : thé, café, chocolat, sirop ou jus de fruit, pain/beurre, céréales ou petits gâteaux et barres céréales.
Pas de gaspillage
Bien sûr, il y a des restes. Les plats sont filmés après chaque repas et mis dans le frigo collectif du séjour. Les ornithologues qui reviennent de mission, les promeneurs qui reviennent de balade, les techniciens qui se réveillent tard après un quart de nuit, tous cherchent leur repas dans le frigo.
Mercredi Best-of
Les mercredi et les dimanche soir, on mange les restes. C’est tellement bon qu’on appelle ça des « best of ». On pioche un peu de ceci ou de cela au gré des envies du moment. Et c’est seulement après quelques jours, qu’on jette les restes au broyeur. Les quantités de nourriture cuisinée puis jetée sont très faibles.
Confitures et compote maison
Les fruits se gâtent vite. Ça fait mal au cœur. On sait qu’un jour, on en n’aura plus. A présent, il ne reste que des pommes et des oranges. Pour en profiter le plus longtemps possible, on les cuisine. On fait des compotes et des salades d’oranges. Mais régulièrement, on tombe sur des caisses de fruits partiellement moisies et là, on jette.
La cuisine collective
Préparation collective d’une compote (en face au centre Clément et Juliette)
On participe facilement à la cuisine. D’abord, il y a les travaux collectifs, les manip’ vivres où on transporte les denrées des magasins au séjour. Ensuite, on vient couper des légumes (quand il y en avait des frais) ou faire des confitures ou des compotes sous la direction du chef.
Participer
Cette année, on a beaucoup de chance, la cuisine est ouverte. On y entre comme dans un moulin, parce qu’il y a quelqu’un et parce qu’il fait plus chaud que dans le séjour. On peut y cuisiner ce qu’on a envie au son de la compagnie Créole et faire des suggestions ou y prendre des leçons de cuisine : comment faire des croissants ou lever des filets.
Ils ont bien levé les croissants que j’ai aidé à faire, non ?
Les petits plus qui changent du quotidien
La vie sur base, c’est un subtil mélange de quotidien et d’exceptionnel. C’est beaucoup le cas autour de la cuisine.
Goûters le mercredi après-midi
Si l’équipe technique fait une pause tous les jours à 10h, ce n’est pas le cas du reste des hivernants. Par contre, tout le monde respecte le goûter du mercredi à 16h. On fait même un appel radio pour l’occasion.
Goûter crêpes en campagne d’été
C’est toujours différent : depuis les gaufres, aux brioches et aux crêpes, qu’on accompagne de crème fouettée, de chocolat et de caramel maison (Juliette, c’est le diable).
Viennoiseries le samedi matin
Bien plus traditionnel le samedi matin, Juliette fait des croissants, des pains au chocolat, des pains au raisins. Ça encourage sans doute à se lever. On est déçu quand il n’y en a pas.
Le samedi soir
Les plats sont sains et équilibrés… sauf le samedi soir. On mange debout des sushis, des bruschettas, des hamburgers… avec un thème particulier et des jeux associés.
Brunchs du dimanche matin
De temps en temps (une fois par mois), c’est brunch le dimanche matin. Il commence vers 10h30. Pour l’occasion, il y a tous les types de petit-déjeuner, les viennoiseries et des pancakes et du sirop d’érable et un service à la demande d’œufs sur le plat, bacon, saumon, etc. Ça n’arrange pas toujours les personnes comme moi qui travaillent tous les dimanche et doivent attendre 10h30 le petit-déjeuner.
Brunchs
Les évènements particuliers
Dès qu’on peut fêter, on fête : Noël et Pâques, toutes les commémorations et tous les anniversaires.
Pour son anniversaire, généralement on fait un apéritif. On choisit le plat et le type de gâteau. On souffle les bougies au milieu d’un chœur chantant « Joyeux anniversaire ». On a plein de cadeaux fait-main à DDU.
Des quantités impressionnantes
Autonomie
A DDU, le bateau de ravitaillement nous quitte en février et revient fin novembre. Tout ce qu’on mange est arrivé durant la campagne d’été. On vit en autonomie sur les réserves stockées dans deux magasins le « -20″(°C) et le « +4 ».
Une toute petite idée des quantités
Voici quelques chiffres (merci Clément) pour vous donner une idée :
Lait : 600 l
Viande/charcuterie congelée : 4 tonnes (c’est énorme, mais on est censé avoir 2 ans de réserve en cas de problème)
Poissons/fruits de mer : 900 kg
Légumes congelés : 3 tonnes
Huile de tournesol : 600 l
Huile d’olive : 475 l
Riz : 330 kg
Pâtes : 300 kg
Total des différentes farines : 2,3 tonnes
Des inventaires et des passations
L’équipe d’une année fait les commandes pour l’équipe suivante et l’IPEV fait des commandes systématiques. Mais chaque équipe de cuisine à ses propres habitudes. Sur des mois de consommation, les petites manies font de grosses quantités.
Dans le frigo à -20°C.
Par exemple, Clément n’utilise pas de soupe déshydratée. Mais il se pourrait bien que l’IPEV commande quelques kilos de soupe déshydratée parce qu’ils estiment qu’on en passe toujours un peu.
S’il faut chercher de la nourriture perdue, c’est surtout-là.
Les pénuries
Plus ça va, et plus certains aliments disparaissent. On n’a plus de bananes, kiwi ou mangue depuis le tout début de l’hivernage. On n’a plus certains fromages, certaines confitures ou pâtes à tartiner. Loin des yeux, loin du cœur ! Je ne ressens pas de manque pour l’instant. On verra ce que ça fait de les voir revenir en décembre.
Certaines denrées sont encore présentes, mais menacées. Si on gère mal les stocks, on pourrait finir par manquer de fromage ou de lait. C’est spécifique à chaque année : un chocolat chaud le matin, c’est 200 ml, soit 1,5 l par semaine par personne. Suivant le nombre de personnes qui boivent du chocolat chaud le matin, les stocks peuvent être larges ou insuffisants, d’une année sur l’autre.
Mes confitures kiwi, bananes, poire
Et puis, il y a ce qu’on peut fabriquer sur place. Parlons des yaourts. Vue les dates de péremption des yaourts, vous vous doutez que nous mangeons des yaourts périmés depuis quelques mois maintenant. On pourrait fabriquer des yaourts ici. Mais cela demande du lait et on manque de lait. Rien n’est magique : il faut transporter plus de lait spécifiquement pour fabriquer les yaourts et plus de fioul pour cuire les yaourts. C’est bien plus économe de transporter des yaourts tout fait.
Et le bar dans tout ça ?
Bon, moi, je ne bois pas. Si, si. Rien du tout. Mais le bar est central dans la vie de la station. L’alcool est payant et rationné depuis peu, alors on en parle beaucoup. Ça vaut sans doute le coup d’en parler dans un autre billet de blog.
Le travail, c’est la moitié du temps, voire beaucoup moins. Alors qu’est ce qu’on fait le reste du temps ? On randonne (on a beaucoup de chance cette année il fait très beau). On fait du sport (parce qu’on a peu d’activité physique par ailleurs). On apprend des trucs (un autre métier, une langue étrangère, etc.). On regarde des films (pas tant que ça finalement). Et puis on joue. On joue beaucoup à DDU.
Jeux de société
Bien sur, il y a les traditionnels jeux de société. Depuis les échecs jusqu’au scrabble, on se remet aux jeux de société qu’on avait pas touchés depuis l’enfance.
Armoire à jeux de société
Ensuite, il y a les autres jeux de société. Les plus modernes. Des jeux coopératifs ou des jeux de stratégie, de deux joueurs à 10 joueurs. On s’initie aux jeux de rôle. Ceux parmi nous qui étaient des gros joueurs avant de venir sont d’énormes joueurs à DDU : Killian et Natacha jouent 1h30 par jour en moyenne.
Tester des nouveaux jeux entre midi et deux
Sport ludique
En intérieur, le séjour fait la part belle au baby foot, billard et au ping-pong. C’est parfois un problème : certains font leur sieste postprandial dans le séjour, c’est incompatible avec le ping-pong par exemple.
Billard et baby-foot
En extérieur, on fait de la luge ou de la pétanque. Je n’ai moi-même testé ni l’un ni l’autre.
Soirées
Tous les samedis soir, c’est soirée. Je n’y assiste qu’un week-end sur deux, parce que je suis de veille météo un dimanche sur deux. Et de toute façon, jamais je n’arriverai à tenir jusqu’à 6h du matin comme certains.
Course de chars
Dans les soirées, on organise des lotos, des blind-tests … On se déguise, on fait des karaokés, des jeux stupides de groupe et bien sûr des jeux à boire.
Faire du vélo sur la banquise, j’en ai envie depuis que je sais qu’il y a des vélos à Dumont d’Urville. Ils sont sur la piste du Lion (voir article géographie) et mis à disposition des campagnards d’été qui y travaillent.
Hangar Avion
En janvier, je suis allée visiter le hangar Avion. Il s’agit du bâtiment qui se trouve sur la piste du Lion. La piste du Lion devait être une piste d’atterrissage. Le hangar de la piste devait accueillir les avions et la tour de contrôle. Cela ne s’est jamais fait. Actuellement, le hangar sert d’atelier l’été et à protéger les engins l’hiver. La tour ne sert à rien.
Vue depuis la tour du hangar Avion en janvier
Bref, je l’ai tout de même visitée durant la campagne d’été. Je n’ai pas eu la vue que je souhaiterais (j’imaginais voir à 360° depuis la tour), mais j’ai vu qu’il y avait quatre vélos dans un coin du hangar. L’idée a fait son chemin.
Et la banquise est arrivée
En mars, la mer a recommencé à geler. Mais rien de très solide. Par contre, en avril, tout est allé très vite. La banquise n’a cessé de s’épaissir et le périmètre de sécurité n’a cessé de s’élargir. Depuis, aucune tempête, aucune houle n’est venu la casser. Elle fait 50 cm d’épaisseur. Elle s’étend sur 200 km, (mais les polynies autour de DDU ne nous permettraient pas d’aller aussi loin à pied). Et surtout, elle est plate comme jamais.
Piste du Lion en févrierPiste du Lion en avril
J’ai ressenti un sentiment d’urgence. La banquise va finir par casser. Après cela, même si elle redeviendra compact, des fractures se seront formées ou les morceaux de glace seront montés les uns sur les autres, et on ne pourra alors plus rouler dessus aussi facilement.
Une première visite
Un mardi d’avril, j’ai profité du fait que Natacha (l’ornithologue) ait du matériel à démonter sur la piste du Lion pour retourner au hangar Avion – car nous ne pouvons jamais traverser la banquise seuls.
L’intérieur avait bien changé : les machines étaient collées les unes contre les autres. Les bateaux étaient attachés au plafond. J’ai dû escalader les engins à la recherche des vélos. Et je les ai trouvés.
Comme j’étais seule, je n’en ai sorti qu’un, toujours en escaladant les engins. Il était en parfait état de marche – à peine sous-gonflé. Bref, j’ai fait un petit tour de vélo sur la piste du Lion avec Natacha et Killian, puis nous sommes rentrés.
On était très motivés
J’en ai discuté autour de moi. Lise (menuisière) était très motivée pour en chercher d’autres. Mais déjà le samedi suivant, les conditions de banquise avaient changé. Une rivière s’était formée autour de l’île des Pétrels. Nous y rejetons de la saumure donc l’eau gèle à plus basse température. Le passage était rendu difficile (voire impossible selon certains) entre l’île des Pétrels (où nous logeons) et la piste du Lion. Mais, avec Lise et Florent (lidariste) on a tout de même tenté le coup.
La traversée de la piste du Lion n’a pas été simple. A l’aller, la rivière avait partiellement gelé (il faisait -23°C ce matin-là). La première traversée a été difficile parce que la glace qui s’était formée le long des îlots était particulièrement lisse et glissante. Malgré mes microspikes, j’ai dû monter à quatre pattes sur la piste du Lion. Lise et Florent, qui n’étaient pas équipés, ont dû se tracter à la force de leur bras en s’accrochant au bord d’une faille pour accéder à la piste. Et nous y sommes arrivés.
La partie bleue est plus liquide que le reste de la banquise
Dans le hangar avion, les vélos restant étaient rangés sur une plateforme en hauteur. Lise, qui a l’œil, a trouvé une échelle et à trois, nous avons descendu un par un cinq vélos que nous avons sortis un par un du hangar. Il y en avait trois très potables et trois sans espoir. Après un petit tour sur la piste du Lion, nous avons décidé de ramener les vélos sur Pétrels avec l’objectif de les remettre à neuf.
Un vélo est caché dans cette image
Nous avons fait glisser les vélos depuis la piste sur la banquise, un par un. Puis chacun avec notre vélo (d’abord les cassés) nous sommes retournés depuis la banquise vers Pétrels. Cependant, entre-temps, la température était remonté (-21°C pas plus) et la rivière s’était reformée. On marchait dans une sorte de boue de petit morceaux de glace et d’eau. Lise, puis Florent, ont mis le pied dans cette saumure à température fortement négative – de quoi perdre ses orteils. Preuve étant faite que nos équipements sont étanches, nous avons mis les vélos abîmés à l’abri et nous sommes repartis chercher les vélos restés sur la banquise.
La grande évasion
Quitte à être sur la banquise avec des vélos en état de marche, autant faite un petit tour, histoire de tester de matériel, de s’assurer de l’adhérence de la banquise, de voir si on est assez adroit, etc.
La banquise n’est pas une patinoire. Une fine couche de cristaux se forme en surface. Ça craque un peu quand on marche dessus. C’est suffisamment rugueux pour y rouler en vélo. Alors on a passé un appel radio pour dire qu’on quittait l’Anse du Lion et on est partis.
Lise passe l’appel radio
Le vélo, c’est fantastique même sur la banquise. On n’a pas le bruit ou l’odeur des engins à moteur. On a tout de suite une sensation de vitesse. Le vent est froid sur le visage. Mais comme on fait un effort, ça passe. Heureusement que nos mains étaient bien protégées. Le froid ne fait pas de cadeau.
Nous avons fait le tour de Pétrels. Nous sommes rentrés dans le Pré, la texture de la banquise avait bien changé. Elle était plus pâteuse, nous avancions plus lentement. Puis, nous sommes remontés à la base, à pied, parce que la piste verglacée est impraticable à vélo.
Un brillant avenir
Depuis, les vélos ont un succès fou. Tout un chacun les empreinte. De la même manière que pour une sortie à pied, il faut un sac « banquise » (il faudra que j’en parle de cela-là aussi) et il faut partir à plusieurs avec autorisation. Le chef de district nous demande aussi de mettre un casque.
Normalement, la glace rejette le sel en se formant. Mais la banquise est salée – si, si ! J’ai moi-même goutté un morceau pour vérifier — les vélos sont donc très fragiles dans cet environnement. On les lave quand on rentre avec un des rares tuyaux extérieurs qui déverse de l’eau douce : celui qui sert à laver les engins.
Je compte bien réparer les vélos qui sont restés à l’abri côtier. On pourra alors partir bien plus souvent.
A DDU, il y a des manchots, mais il y a aussi des phoques.
Décompte
Le 5 janvier, je suis sortie avec Simon Targowla, biologiste du programme Antarctic seals and the sea-ice environment pour comptabiliser les phoques présents sur la banquise.
Pour l’instant, je ne vous ai parlé que des manchots, mais il y a aussi beaucoup de phoques à Dumont d’Urville (DDU). Il y a cinq espèces de phoques sur place :
Les plus communs, ce sont les phoques de Weddell. Ils sont visibles sur la banquise proche des côtes en été. Même si on ne les voit plus en hiver, leur activité vocale sous-marine révèle leur présence durant toute l’année dans l’eau.
Ensuite, il y a les phoques Crabier. S’il s’agit du phoque le plus commun à l’échelle de la planète, il est encore assez rare à DDU. Il est présent dans le pack et au large. Il y en a de plus en plus sur DDU. Cette année, quelques dizaines ont été répertoriés alors qu’ils était plutôt rares avant.
Le léopard de mer. C’est le phoque qui mange les phoques… et les manchots. Il faut s’en méfier, il est rapide et il mord aussi les humains.
L’éléphant de mer, le plus gros de tous les phoques, qui est encore considéré comme un animal sub-antarctique alors qu’on en en voit tous les ans ici en Antarctique.
Le phoque de Ross a été répertorié mais il n’a pas encore été vu cette année.
Avec Simon, nous nous sommes baladés sur la banquise en passant de trou d’eau en trou d’eau. Les phoques s’y rassemblent et ils dorment autour par dizaines. Ils arrivent sur la banquise par ces trous et ne s’en éloignent pas
Ainsi, ils peuvent facilement s’enfuir en se jetant dans le trou en cas de danger.
Exemple d’un trou d’eau ou les phoques se rassemblent sur la banquise avec quelques phoques
Les phoques font entre 2,5 m et 3,2 m. Les mâles sont plus petits que les femelles et ne dépassent pas les 2,9 m. Un jeune pèse déjà dans les 200kg, mais un adulte fait facilement dans les 350 kg. Nous comptons le nombre de phoques.
Un pup avec sa mère
Nous notons le sexe et s’ils sont adultes, jeune adultes, ou des « pups » (bébé, en anglais) : des jeunes de l’année que Simon appelle des knackies, parce qu’ils en ont la forme.
Petit adulte ou gros jeune de 2-3 ans ?
Pour différencier un petit adulte d’un un gros jeune, Simon regarde le nombre de cicatrices. Ce n’est pas une certitude, mais plus les phoques sont âgés, plus ils sont marqués.
N’est-il pas mignon ?
Transpondeurs
Natacha, ornithologue du programme 109 me propose de sortir le 9 mars. Il s’agit de placer une petite puce sous la peau de quelques phoques. On dit qu’on les « transponde ».
Je pars avec Natacha, Lise, Simon et Killian. C’est beaucoup de monde pour une manip’ sur des animaux. Dans toutes celles que j’ai faites jusqu’à présent, nous étions 3 au maximum.
Nous sommes partis avec la pulka chargée de matériel, les microspikes aux pieds. Le ciel était magnifique, les icebergs superbement bleus. Nous avons marché jusqu’à atteindre un premier trou de phoques. Pas très loin : nous étions tout près de Pétrels.
Ils dorment au soleil
Comme toujours dans une manipulation, il y a quelqu’un qui fait la manip’ et quelqu’un qui prend les notes. Natacha et le rédacteur faisaient seuls le tour des phoques d’un point d’eau. On note l’âge et le sexe. Natacha prend une photo du ventre (parce que les tâches sur leur ventre forment un motif unique) et donne le numéro de la photo. Elle a à la main un détecteur qu’elle passe sur le bas du dos du phoque et qui bipe quand le phoque est transpondé. On note le numéro de transpondage. Natacha repère ainsi les femelles qui ne sont pas transpondées. Seules les femelles sont marquées parce que les programmes de recherche n’ont droit qu’à un certain nombre de marquages par an et que les femelles sont plus susceptibles de revenir à DDU.
Quand on trouve une femelle, on la capture. D’abord, Simon et Natacha (qui ont l’habitude) placent une capuche sur la tête du phoque. Ce n’est pas facile. Les phoques se débâtent et mordent. Cela peut durer quelques minutes. Puis trois personnes immobilisent le phoque sans le blesser. Une dernière personne fournit les ustensiles à Natacha, qui pique le phoque à la queue avec une grosse seringue. Cette partie est très rapide, mais il fait bien tenir le phoque. Il se débat.
Hydrophones
Simon travaille pour un programme qui cherche à suivre l’activité vocale des phoques sur une année de façon à caractériser les particularités (les dialectes) des phoques de Weddell autour de DDU. Pour cela, il enregistre les phoques en continu durant une semaine par mois.
Simon et son hydrophone
Simon enregistre les phoques sous l’eau à l’aide d’un hydrophone. Les sons que font les phoques sous l’eau, vous n’avez jamais entendu cela. Simon a eu la gentillesse de me fournir quelques uns de ses enregistrements.
C’est difficile d’imaginer qu’un animal fait ce genre en bruit et qu’il pourrait le faire volontairement. Un excellent moyen de vérifier que ce sont bien les éléments d’un mode de communication est de demander à l’animal. On peut diffuser ces sons à proximité d’un phoque : s’il réagit, s’il répond, alors on considère que ce son a bien une « signification », une fonction dans les échanges. La nature de la réponse (agressivité, approche, fuite…) nous renseigne sur son sens pour les phoques.
Actuellement, les phoques ne sont plus à DDU. Ils sont au large et fréquentent la lisière de la glace de mer. Plus la banquise est loin, plus ils sont loin. Mais on peut les suivre à la trace. Je vous en parlerai dans un prochain article.