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Manip Empereurs

C’est la dernière activité des hivernants. Celle que tout le monde veut faire. Les hivernants sortants (dont je fais partie) sont ultra-prioritaires. Mais entre les veilles météo, le mauvais temps, et les repos des ornithos… je n’ai pas pu y aller avant l’avant-dernier jour de manip’.

Je suis donc partie le 2 décembre, avec des néophytes : Lise, Narcisse (nouvelle boulangère) et Alex (pilote d’hélicoptère) et des experts : Doumé (spécialiste des transpondeurs), Léo (ornithologue campagnard), Natacha et Amandine (la nouvelle ornithologue hivernante) pour les professionnels. Nous sommes partis avec deux pulkas de matériel (le nécessaire pour les parcs était déjà sur place). Il faisait un temps magnifique.

Manchotière bien étalée

Les poussins des manchots Empereurs sont grands maintenant. Je les ai vu sortir de l’œuf, grandir, se faire attaquer par les skuas et les pétrels géants. Mais ça fait bien deux mois que je ne suis pas allée au Nunatak. La manchotière s’est beaucoup étalée. Les poussins mesurent 80cm et pèsent quelques 15kg. Ils se rassemblent en crèches et sont gardés par les quelques adultes qui restent quand les autres sont déjà repartis en mer pour se nourrir.

Installation du parc

A l’aide de quatre barrières très légères, on parque les poussins sans les adultes. On place une tablette en bois sur le parc pour les opérations de capture. On forme deux chaines de traitement.

Le parc avec la petite tablette.

Un ornithologue entre dans le parc et capture un poussin. Il le place sur la tablette et lui attrape le bec. De l’autre côté de la barrière, nous (les néophytes) passons sur la tête du poussin une chaussette qui lui cache les yeux, mais ne couvre pas le bec. L’ornithologue place le poussin dos à nous. Nous le prenons en mettant les bras sous les ailerons et le soulevons. Quand on a de la chance, il se débat jusqu’à ce qu’il ait les pattes en l’air. Sinon, quand on n’a pas de chance, il se débat tout le temps.

Léo attrape un poussin dans le parc

Comme le bec et les griffes des manchots sont libres de nous blesser, on porte les vareuses oranges (bien solides), des gants de travail (qui nous embêtent et qu’on enlève) et notre masque pour se protéger les yeux.

Les ailerons des manchots leur servent à se propulser dans l’eau quand ils nagent et chassent. Ils sont très fins, plats et forts. Nous maintenons les poussins sous les ailes pour éviter qu’ils ne se déboitent l’épaule en se débattant. Le corollaire est qu’ils battent des ailerons en se débattant et frappent nos avant-bras. C’est comme si on était frappé par un instrument en bois. Un plaisir …

On a deux chaines de travail

Une fois qu’on a un manchot dans les bras (et qu’il est calme), c’est mignon, doux et ça ne sent pas mauvais comme les manchots Adélie. Nous les apportons à une équipe d’ornithos. Léo (ou Doumé) prend le manchots par le torse, pendant que nous le tenons par les pieds. Le poussin bascule sur le ventre et Léo se met dessus. Il retire le duvet entre la queue et une patte. Passe le lecture de transpondage pour vérifier que l’oiseau n’est pas encore transpondé. Il désinfecte et utilise un genre de pistolet pour injecter une puce sous la peau de l’animal (comme les phoques). Le manchot ne sent rien à cet endroit et ne bouge pas du tout. Pendant ce temps, Amandine (ou Natacha) mesure le bec de l’oiseau avec un pied à coulisse.

Manchot sur le ventre, transpondage et mesure du bec

On reprend le poussin sur les genoux. Amandine lui mesure les ailes, quand Léo lui prélève quelques plumes au niveau du torse et tâte le ventre du manchot pour savoir si son estomac est plein. Puis Léo maintient l’aile droite quand Amandine désinfecte et fait une prise de sang. Léo met le poussin dans une capuche et le transporte jusqu’à une potence où on pèse l’animal. On marque l’oiseau au ventre et sur le bout des ailes avec de la peinture verte. Et on le libère. Pendant ce temps, Amandine a désinfecté tous les ustensiles et préparé le transpondeur.

Un de nous (néophytes) écrit dans un carnet l’heure, les mesures (bec, ailes, poids), les numéros de transpondeur, la prise de sang et/ou de plumes, le stade de mue et si le poussin a de la nourriture dans l’estomac. Un autre se repose en veillant à ce que les poussins du parc ne se fassent pas la malle.

On a fait deux parcs. Un contenait de petits poussins gentils. Un autre des adolescents prêts à partir en mer et qui voulaient en découdre. On s’est occupé de 33 poussins en une après-midi. Je comprends pourquoi les ornithologues sont fatigués. J’ai moi-même des bleus sur les bras. Comme toujours avec l’agence de voyage de DDU Biomar Tourisme, dirigée par les ornithologues du bâtiment Biomar de la Dumont d’Urville, on est allé le plus loin de la base qu’on pouvait (1 km) et on avait du gâteau et du chocolat chaud pour le 4h.

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Les phoques (seconde partie)

Depuis le retour des phoques, je suis de sortie toutes les semaines. Si je ne suis pas celle qui sors le plus dans l’équipe, je fais partie des amateurs un peu mieux formés.

Sondage à Débarquement

La première étape, c’est de définir un périmètre sécurisé sur la banquise dans lequel partir à la recherche des phoques. Les ornithologues aussi étaient impatients de sortir explorer les environs, mais pour cela, il fallait attendre des sondages de la banquise jusqu’à Débarquement à 8 km (et à Hélène à 12km). Avec le dista (chef de la station), Natacha et Florent, nous sommes partis dans l’après-midi du 6 novembre. L’aller-retour a été sportif mais un succès. Le périmètre autorisé est immense. Nous ne pourrions pas aller plus loin en une journée de marche.

Les sorties « phoques »

Cette année, ils étaient deux à devoir sortir à la recherche de phoques : Natacha pour les transpondages et Simon pour les enregistrements audios. Donc ils étaient deux à avoir besoin de personnes pour les accompagner (plus on va loin, plus on doit être nombreux pour des raisons de sécurité) et pour les aider. Les pauvres avaient du mal à recruter, mais nous avions toujours la possibilité de sortir avec eux.

Natacha et les transpondages

Natacha est une force de la nature. Elle tire sur des kilomètres une pulka surchargée. Elle se lave les mains nues dans la neige par grand vent. Et elle peut repartir le lendemain.

Lors d’une sortie « phoques », on fait le tour de toutes les îles et de tous les icebergs possibles, et Natacha scrute la banquise avec ses jumelles. En elle-même, la balade par beau temps entre les icebergs vaut la peine. Mais là, on cherche les phoques…

Natacha et ses jumelles

J’ai aidé à transponder le premier pup (bébé phoque) de l’année lors d’une sortie avec Natacha, Lise et Aubin, par un vent à décorner les bœufs. Nous avions du mal à avancer et surtout nous ressentions d’autant plus le froid. Il y avait quelques femelles gestantes de-ci de-là qu’on se doit de laisser tranquille. Et puis, au niveau de Derby, on a vu une femelle et son pup.

Un transpondage ?

Il s’agit de placer sous la peau des phoques (pups et femelles principalement) une puce RFID qui les identifie. Pour cela, on vole momentanément le pup à sa mère. Une personne distrait la femelle, pendant que Natacha et possiblement une seconde personne tire le pup à quelques dizaines de mètres. Les phoques mordent, donc Natacha leur met une capuche sur la tête. Une personne monte sur le pup sans mettre de poids sur l’animal, juste pour l’immobiliser et vérifie qu’il respire bien.

Imaginez que vous êtes cette personne. Vous avez enlevé vos crampons pour ne pas blesser l’animal. Vous portez de gros gants parce qu’il mord même à travers la capuche (si, si, ça m’est arrivé). Vous êtes à genou au-dessus du pup. Vous vous assurez que les nageoires restent dans la capuche. De temps en temps, il bouge et vous augmentez la pression. Derrière vous, Natacha désinfecte le dos de l’animal, pas très loin de la queue. Elle vous prévient quand elle pose le désinfectant et quand elle pique parce que le pup s’agite à ces moments. Elle pique à l’aide d’une sorte de pistolet. L’aiguille fait de l’ordre d’un millimètre. De temps en temps, le pup bouge beaucoup et il saigne. Dans ce cas, elle prend de la glace autour d’elle et fait un point de compression. Puis elle vous tend le bout d’un mètre ruban que vous placez à la hauteur du nez de l’animal et vous dit la longueur (de l’ordre de 1,20).

Ensuite, vous vous levez et vous poussez le pup sur un filet, ni trop vers l’avant ni trop vers l’arrière. Le filet sert à soulever l’animal pour le peser. Natacha et vous soulevez l’animal (entre 25 et 50 kg) à l’aide d’une barre que vous placez sur votre épaule. On repose le phoque qui n’a pas cessé de gigoter pendant toute l’opération. On lui enlève la capuche et on le remet à côté de sa mère.

Pendant toute l’opération, la femelle a cherché son petit qui périodiquement crie à l’aide. Les comportements des mères sont très variables, de la fuite à la grande agressivité. Mais un de vous doit toujours la distraire, l’empêcher d’arriver là où vous travaillez ou d’aller piquer le petit d’un autre phoque qui se trouverait par hasard à quelques dizaine de mètres. A l’aide de la capuche pour adulte, votre collègue lui cache la vue des opérations. Pour une raison qui m’échappe les phoques ne nous attaquent pas. Ils sont pourtant beaucoup plus gros que nous (450 kg). Le pire est la morsure, qui n’a pas eu lieu cette année. Une fois qu’on s’est assuré que la mère et le petit se reconnaissent et interagissent ensemble. On note les mesures du pup et son numéro de transpondeur. Natacha désinfecte ses affaires et prépare d’autres aiguilles. Vous nettoyez dans la neige le reste du matériel de toutes les déjections que le pup a pu y déposer.

Les sorties se sont enchainées, vers Débarquement et aussi vers Hélène. Je fais partie des happy-fews qui ont pu aller à Hélène. J’ai fais une dernière sortie avec Coline, la coordinatrice science de l’IPEV en début de campagne d’été. Les petits partaient déjà à l’eau. Et puis début novembre, la banquise a débâclé.

Les audios de Simon et Isabelle

Isabelle Charier est chercheuse au CNRS. Elle étudie les communications mère-jeune. Est-ce qu’ils sont capables de se reconnaitre et surtout à quel moment à partir de la naissance cette reconnaissance se met-elle en place ? Pour cela, elle et Simon enregistrent les cris de contact entre les pups et leurs mères. Ils suivent une quinzaine d’individu de Bernard à Pasteur.

Vidéo de Simon

Ils vont placer une enceinte à côté de la mère à l’opposé du pup et vont émettre une série de cris, de son petit mais aussi d’autres petits du même âge. Ils filment la scène pour savoir si la femelle a une réponse comportementale différente aux cris de son jeune, vis-à vis d’un jeune étranger. Et ils font la même expérience avec les pups en diffusant des cris de mères. Isabelle fait cette expérience juste après la naissance (quand c’est possible), ou alors une semaine après la naissance, puis à 2 puis à 3 semaines. A chaque fois, le pup grossit donc sa voix change. Elle calcule les temps de latence entre les réactions et les premières diffusions. Est-ce que la mère s’approche du micro ou est-ce qu’elle va renifler son petit ou vérifier s’il est bien à coté d’elle. Il faut attendre le bon moment pour diffuser les cris. Il ne faut pas que les phoques soient trop vocaux ou agités (on ne différencie pas à quoi ils réagissent), ni trop endormis (sans quoi ils ne réagissent pas).

Les premiers résultats indiquent qu’il y a peu de réponses des petits, sauf quand ils sont tout seuls. Sans doute ont-ils une plus grande motivation à retrouver leur mère et les soins maternels à ce moment-là. Les femelles, quant-à elles, réagissent aux cris de leur pups quand ils ont entre 1 et 2 semaines.

Simon observe les phoques (photo : Romain)

Une dernière sortie phoques avec Simon

Le 20 novembre, c’est la débâcle de la banquise depuis quelques jours. Nous ne savons pas si l’accès jusqu’à Pasteur (à 5 km) sera possible ou non, car cette île est cachée par le glacier. La décision tombe le matin après un vol de reconnaissance de l’hélicoptère. C’est bon, nous avons l’autorisation de partir.

Nous sommes partis à trois (Simon, Antoine le nouveau responsable technique et moi). L’équipement de Simon était trop lourd. J’ai pris une deuxième pulka. Après quelques kilomètres, la mer n’est plus qu’à une dizaine de mètres. Arrivée à Pasteur, nous nous avons fait une première expérience. Le long d’une rivière, pas très loin de quelques phoques allongés sur la banquise. On élargit la faille à la scie de façon à avoir un beau trou.

La scie à glace très efficace

Simon met à l’eau : un haut-parleur qui restitue les chants des phoques, une webcam qui filme l’arrivée potentielle des animaux et un microphone qui enregistre l’expérience. On amarre solidement le tout dans la glace. Et on attend 10 min. Puis on lance les sons : 5 fois 5 phrases différentes. Puis on attend à nouveau10 min. Bref, on a eu le temps de manger notre sandwich durant la manip’. Mais à la troisième phrase, un phoque a sortie la tête de l’eau. Il a sorti les narines de l’eau une dizaine de fois, à chaque inspiration. Simon a déjà fait l’expérience de la réaction violente d’un phoque à cette phrase. Pour lui, elle veut dire quelque chose. Nous sommes sceptiques. Et si c’était jusque le temps que le phoque curieux arrive ? Un hasard que ce soit à cette phrase.

Simon et son matériel
Microphone
Enceinte sous marine
L’eau est très sombre par comparaison avec la glace, mais elle est très claire parce qu’on voit l’enceinte à 5m de profondeur.

Nous sommes ensuite allés à Derby. Simon a changé l’ordre des pistes. Une fois de plus un phoque apparaît. Il est plus prudent que le premier. Il nous a vu à travers le trou d’eau. Il faut dire que nous étions bien plus attentif et proche du trou lors de cette deuxième expérience. Le phoque a pris peur. Il est allés respirer quelques mètres plus loin.

Enfin, nous sommes arrivés à Florence. Là, nous sommes tombés sur un trou de 80cm de diamètre dans la banquise. Nous avons bien évacué la glace flottante et envoyé uniquement la phrase en question. Un immense phoque est arrivé. On a pu le voir nager sous l’eau, c’était magnifique. Une deuxième phrase quasi identique a produit le même effet. Puis on a envoyé une musique quelconque et aucun phoque n’est apparu. Simon était aux anges.

J’ai sans doute assisté à une grande découverte scientifique : la musique qui appelle les phoques.

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Un rayon vert en Antarctique

La nuit est de plus en plus présente à Dumont D’Urville. Ça nous permet de voir de plus en plus d’aurores, mais aussi un rayon vert dans le ciel. Il s’agit d’un faisceau laser. Florent (opto-électronicien ou lidariste pour nous) du LATMOS s’en sert pour étudier la stratosphère.

Stratosphère polaire

La stratosphère est la 2ème couche de l’atmosphère (après la troposphère). Elle débute entre 8 et 16 km (selon la latitude) et s’achève à 50 km d’altitude. C’est là que se trouve la couche d’ozone, entre 15 et 25 km. Cette couche est primordiale pour la vie sur terre, car elle absorbe les rayonnements ultraviolets et protège ainsi les organismes vivants à la surface.

Schéma théorique de composition de l’atmosphère.

Aujourd’hui, de nombreuses questions scientifiques cruciales exigent une connaissance approfondie des processus stratosphériques et de leur évolution à long terme.

En Antarctique, en hiver austral, le pôle ne reçoit pas de lumière solaire. Cela crée un important gradient de température entre les hautes et moyennes latitudes. La stratosphère polaire est alors isolée. Sans rayonnement solaire pendant l’hiver, la température chute, jusqu’à atteindre des extrêmes permettant des réactions chimiques spécifiques et en particulier, celles menant à la destruction de la couche d’ozone.

Trou de la couche d’ozone

La destruction hivernale de la couche d’ozone polaire a été découverte dans les années 1970-1980. Depuis, des efforts de recherche internationale majeurs ont été faits pour identifier les causes de ce trou de la couche d’ozone, menant en 1987 au Protocole de Montréal, interdisant les gaz chloro-fluoro-carbone (CFC).

Crédit IPEV

Cependant, il existe encore de fortes incertitudes sur le retour aux niveaux d’ozone pré-1980. Dans ce cadre, un lidar a été installé à DDU en 1989. Il fournit les mesures permettant l’étude des nuages stratosphériques polaire, et de l’impact sur les processus stratosphériques d’événements ponctuels, tels que le volcanisme ou les feux de biomasse.

Nuages stratosphériques polaires

Dans la stratosphère, il y a très peu d’eau, mais il y en a un petit peu, assez pour créer les Nuages Stratosphériques Polairies (PSC -Polar Stratospheric Clouds). Ils sont composés d’un mélange d’eau, d’acide nitrique et d’acide sulfurique, qui se combinent différemment selon les conditions atmosphériques, formant des cristaux plus ou moins gros, ou encore une solution liquide en surfusion. Ces nuages n’apparaissent qu’en hiver et dans le vortex polaire (isolés des masses d’air des moyennes latitudes), car ils ont besoin de températures suffisamment basses pour se former.

Nuages nacrés, probablement des PSC

Les PSC sont étudiés depuis les années 1880. Ils sont cruciaux dans les mécanismes de destruction de l’ozone stratosphérique. Ils permettent des réactions chimiques à leur surface. Ces réactions dites hétérogènes, entre deux phases, par exemple glace et air, et activent des réservoirs chlorés. En fin d’hiver, ils entraîneront une destruction catalytique de l’ozone. Sans PSC, donc sans ces réactions hétérogènes, il n’y aurait pas de destruction d’ozone.

Les mesurer permet de mieux définir leurs caractéristiques, de mieux les représenter dans les modèles atmosphériques et de mieux comprendre leur impact dans le changement climatique.

Longue série temporelle de mesure du lidar : une saison riche en PSC

Les aérosols

Les aérosols atmosphériques sont de fines particules en suspension dans l’atmosphère. Dans la stratosphère, ces aérosols sont présents toute l’année entre 15 et 25 km. Ils sont principalement soufrés, produits par des éruptions volcaniques, ou carbonés, générés par de gros feux de forêt. On étudie leur évolution et leurs interactions : comment est-ce qu’ils se rependent dans la stratosphère, et est-ce qu’ils influencent la formation des PSC ? D’autant qu’ils ont eux-même une chimie hétérogène qui peut entraîner la destruction d’ozone.

Le rayon rouge c’est la frontale de Lise

L’étude des aérosols ne passe pas que par les mesures lidar. La richesse des instruments satellitaires permet également de suivre leurs panaches et leur concentration, de même que les mesures in situ de ballons atmosphériques avec sonde-ozone.

Feux de biomasse

Les feux de forêt produisent des particules carbonées (contenant des atomes de carbone). Au cours des 20 dernières années, on s’est rendu compte que ces particules pouvaient atteindre la stratosphère. Depuis 2017, on sait que ces injections d’aérosols peuvent être de la même ampleur qu’une éruption volcanique modérée. Une fois passés dans la stratosphère, ces aérosols sont mesurés sur des durées inédites, comme les feux de forêts australiens de 2019-2020.

Leur présence inattendue dans la stratosphère pose de nouvelles questions sur nos connaissances de la stratosphère, d’autant que les feux de biomasse sont susceptibles d’être plus fréquents avec le changement climatiques.

Volcanisme

Les volcans émettent des particules soufrées (contenant des atomes de soufre). L’éruption du Hunga Tonga–Hunga Haʻapai est une éruption historique qui a eu lieu le 15 janvier 2022.

Éruption du Hunga Tonga–Hunga Haʻapai le 15 janvier 2022

Une quantité d’eau inédite a été injectée jusqu’à +50 km et a atteint la mésosphère. Le panache d’aérosol injecté s’est répandu dans les deux hémisphères.

C’est quoi un LIDAR ?

Les lidars, il y en a dans plein de domaines différents. Rien que dans les sciences atmosphériques, il y en a pour mesurer la vapeur d’eau, le vent, d’autres mesurent la topographie, etc. L’idée est toujours la même : on envoie une onde lumineuse et on voit ce qui revient.

Schéma de fonctionnement d’un lidar

Florent envoie un faisceau lumineux dans l’atmosphère. Ce qui revient vers son télescope a été réfléchi par l’atmosphère elle-même ou par des particules en suspension dans l’air.

Émission

Le faisceau initial contient 3 longueurs d’ondes : 532 nm (vert – c’est celui qu’on voit), 1064 nm (dans l’infra-rouge) et 355 nm (dans l’ultra violet). Florent a mis en place les mesures dans l’UV, lors de la campagne d’été de 2022. Le lidar émet à l’horizontale, le faisceau est réfléchi par un miroir (parfaitement réglé) pour le mettre à la (parfaite) verticale.

Lidar

Le signal n’est pas émis en continu. Le laser envoie des impulsions à 10Hz. Cela permet d’avoir une alternance de périodes d’émissions du faisceau par le laser et de réception de la lumière réfléchie par le télescope. A chaque tir, une partie importante du signal revient de la troposphère jusqu’à 6-8km. Cela n’intéresse pas Florent et pollue le signal. Il utilise un obturateur mécanique, qui est une roue trouée. Elle tourne vite (à 800Hz) et elle est finement synchronisée pour bloquer les périodes où le signal reçu revient de la troposphère.

Réception

Après avoir été réfléchie par l’atmosphère, les nuages et les particules, la lumière revient vers DDU. Nous ne voyons pas le signal réfléchi. C’est pourtant celui que Florent détecte à l’aide de son télescope.

Le télescope est un gros miroir convexe. Pour capter le maximum de signal, il a un large champ de vue conique. La lumière est envoyée sur des filtres (des lames séparatrices) qui redivisent physiquement chaque longueur d’onde. Des détecteurs comptent le nombre de photons et le tout est envoyé à une baie d’acquisition.

Séparation de la lumière réfléchie en différentes longueurs d’ondes.

Le signal de retour est très faible et invisible à l’œil nu. Comme l’air est moins dense dans la stratosphère que dans la troposphère, le signal qui revient de la stratosphère est d’autant plus faible. C’est pourquoi on utilise un laser le plus puissant possible et de très longues mesures : on somme le signal de retour sur 15min minimum (1h-1h30 pour être sûr) afin d’avoir un rapport signal sur bruit conséquent.

Le lidar produit une onde polarisée. Florent mesure la polarisation de l’onde qui revient. L’eau liquide ne modifie pas la polarisation de la lumière, alors que la glace oui. On peut ainsi savoir s’il y a de l’eau liquide dans les nuages. On peut également faire des hypothèses sur la composition de certains panaches d’aérosols sondés, selon les propriétés optiques mesurées.

Les données

Les données acquises ici sur les aérosols et les PSC ne sont pas comme les données météos transférées en temps réel mais « suffisamment souvent ». Le réseau NDACC (Network for Atmospheric Climate Changes) finance les mesures d’ozone un peu partout sur Terre. Les données de DDU y sont en accès libre. Elles servent ensuite, avec les mesures satellites et in situ, à améliorer les modèles numériques et à mieux comprendre le fonctionnement de la stratosphère.

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DURANT LE VOYAGE PAS ENCORE TRADUIT SCIENCE

Science à Bord de l’Astrolabe

L’Astrolabe nous amène de Hobart à DDU. Mais il sert aussi à la recherche scientifique. Des aménagements particuliers ont été réalisés pour faire des prélèvements : au moins une rampe de lancement des sondes XBT et un robinet de prélèvement d’eau de mer. Deux projets s’y déroulaient durant ma traversée. Ils se plaçaient tous deux dans le cadre d’une meilleure connaissance de l’océan global.

Profils de température par XBT

Dans l’Astrolabe, je partageais mon poste (ma chambre) avec deux scientifiques qui se relayaient pour faire des mesures de profils de température tout au long de la traversée entre Hobart et Dumont d’Urville. Comme chez les marins, elles faisaient des quarts. Il ne fallait pas faire de bruit, ni la nuit, ni le jour parce qu’il y avait toujours quelqu’une qui dormait dans la chambre.

J’ai eu la chance de participer pendant quelques heures à leur programme scientifique. Elisa avait pour projet de valider une paramétrisation de hauteur de l’océan en combinant 1/ la fauchée d’un satellite défilant qui passait juste au-dessus de l’Astrolabe entre Hobart et Macquarie (qui lui donnait cette hauteur) et 2/ les profils de températures de l’océan que nous allions mesurer à l’aide de sondes XBT.

Ordinateur de l’acquisition des données avec la trajectoire du bateau.

Les profils étaient mesurés toutes les heures ou toutes les deux heures durant la majeure partie de la traversée. Mais sur certaines portions de notre voyage (quand nous étions sous la fauchée du satellite) nous passions en période d’observation intensive durant laquelle les sondes étaient lancées toutes les 20min.

Les sondes XBT

En général, nous étions 2 ou 3 par équipe et nous lancions les sondes durant 2h avant d’être relayés. Quand le bateau penche d’un coté, il faut lancer du coté qui n’est pas libre d’eau. Donc en fonction du vent, le lancer ne se fait pas toujours du coté de l’ordinateur qui fait l’acquisition des données. Il faut faire le lancer, puis revenir pour visualiser l’acquisition.

La rampe pour lancer les XBT (fermée) dans la cale de l’Astrolabe

C’est compliqué de passer de bâbord à tribord entre chaque lancer.

Chemin difficile d’accès que nous empruntions entre bâbord et tribord

Isotopes

Un autre projet consistait à prélever des échantillons d’eau de mer pour mesurer le rapport isotopique entre l’oxygène 16 et l’oxygène 18 sur le trajet. Une fiole numérotée est remplie toutes les heures. Ouvrir un robinet, c’est beaucoup moins contraignant que de travailler sur les sondes XBT et on peut le faire seul.

Robinet pour remplir les fioles
Fioles étiquetées

Dans la cale

Les deux projets se déroulent dans la cale de l’Astrolabe. Il s’agit de l’entrepôt de la cargaison. On y fait du sport, en particulier sur un vélo d’appartement. Comme tous les meubles du bateau, il est bien attaché au sol.

Vélo d’appartement de la cale de l’Astrolabe.

La pièce est vaste et encombrée.

La cale vue de dessus.

Elle est bruyante, froide et humide.

Cordages dans le passage avec quelques traces d’eau au fond.

Si on était seul durant les expériences, ce serait un peu triste de se sacrifier ainsi pour la science.