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PAS ENCORE TRADUIT VIE DE LA BASE

Vélo sur la banquise

Et pourquoi pas ?

Un projet de longue date

Faire du vélo sur la banquise, j’en ai envie depuis que je sais qu’il y a des vélos à Dumont d’Urville. Ils sont sur la piste du Lion (voir article géographie) et mis à disposition des campagnards d’été qui y travaillent.

Hangar Avion

En janvier, je suis allée visiter le hangar Avion. Il s’agit du bâtiment qui se trouve sur la piste du Lion. La piste du Lion devait être une piste d’atterrissage. Le hangar de la piste devait accueillir les avions et la tour de contrôle. Cela ne s’est jamais fait. Actuellement, le hangar sert d’atelier l’été et à protéger les engins l’hiver. La tour ne sert à rien.

Vue depuis la tour du hangar Avion en janvier

Bref, je l’ai tout de même visitée durant la campagne d’été. Je n’ai pas eu la vue que je souhaiterais (j’imaginais voir à 360° depuis la tour), mais j’ai vu qu’il y avait quatre vélos dans un coin du hangar. L’idée a fait son chemin.

Et la banquise est arrivée

En mars, la mer a recommencé à geler. Mais rien de très solide. Par contre, en avril, tout est allé très vite. La banquise n’a cessé de s’épaissir et le périmètre de sécurité n’a cessé de s’élargir. Depuis, aucune tempête, aucune houle n’est venu la casser. Elle fait 50 cm d’épaisseur. Elle s’étend sur 200 km, (mais les polynies autour de DDU ne nous permettraient pas d’aller aussi loin à pied). Et surtout, elle est plate comme jamais.

Piste du Lion en février
Piste du Lion en avril

J’ai ressenti un sentiment d’urgence. La banquise va finir par casser. Après cela, même si elle redeviendra compact, des fractures se seront formées ou les morceaux de glace seront montés les uns sur les autres, et on ne pourra alors plus rouler dessus aussi facilement.

Une première visite

Un mardi d’avril, j’ai profité du fait que Natacha (l’ornithologue) ait du matériel à démonter sur la piste du Lion pour retourner au hangar Avion – car nous ne pouvons jamais traverser la banquise seuls.

L’intérieur avait bien changé : les machines étaient collées les unes contre les autres. Les bateaux étaient attachés au plafond. J’ai dû escalader les engins à la recherche des vélos. Et je les ai trouvés.

Comme j’étais seule, je n’en ai sorti qu’un, toujours en escaladant les engins. Il était en parfait état de marche – à peine sous-gonflé. Bref, j’ai fait un petit tour de vélo sur la piste du Lion avec Natacha et Killian, puis nous sommes rentrés.

On était très motivés

J’en ai discuté autour de moi. Lise (menuisière) était très motivée pour en chercher d’autres. Mais déjà le samedi suivant, les conditions de banquise avaient changé. Une rivière s’était formée autour de l’île des Pétrels. Nous y rejetons de la saumure donc l’eau gèle à plus basse température. Le passage était rendu difficile (voire impossible selon certains) entre l’île des Pétrels (où nous logeons) et la piste du Lion. Mais, avec Lise et Florent (lidariste) on a tout de même tenté le coup.

La traversée de la piste du Lion n’a pas été simple. A l’aller, la rivière avait partiellement gelé (il faisait -23°C ce matin-là). La première traversée a été difficile parce que la glace qui s’était formée le long des îlots était particulièrement lisse et glissante. Malgré mes microspikes, j’ai dû monter à quatre pattes sur la piste du Lion. Lise et Florent, qui n’étaient pas équipés, ont dû se tracter à la force de leur bras en s’accrochant au bord d’une faille pour accéder à la piste. Et nous y sommes arrivés.

La partie bleue est plus liquide que le reste de la banquise

Dans le hangar avion, les vélos restant étaient rangés sur une plateforme en hauteur. Lise, qui a l’œil, a trouvé une échelle et à trois, nous avons descendu un par un cinq vélos que nous avons sortis un par un du hangar. Il y en avait trois très potables et trois sans espoir. Après un petit tour sur la piste du Lion, nous avons décidé de ramener les vélos sur Pétrels avec l’objectif de les remettre à neuf.

Un vélo est caché dans cette image

Nous avons fait glisser les vélos depuis la piste sur la banquise, un par un. Puis chacun avec notre vélo (d’abord les cassés) nous sommes retournés depuis la banquise vers Pétrels. Cependant, entre-temps, la température était remonté (-21°C pas plus) et la rivière s’était reformée. On marchait dans une sorte de boue de petit morceaux de glace et d’eau. Lise, puis Florent, ont mis le pied dans cette saumure à température fortement négative – de quoi perdre ses orteils. Preuve étant faite que nos équipements sont étanches, nous avons mis les vélos abîmés à l’abri et nous sommes repartis chercher les vélos restés sur la banquise.

La grande évasion

Quitte à être sur la banquise avec des vélos en état de marche, autant faite un petit tour, histoire de tester de matériel, de s’assurer de l’adhérence de la banquise, de voir si on est assez adroit, etc.

La banquise n’est pas une patinoire. Une fine couche de cristaux se forme en surface. Ça craque un peu quand on marche dessus. C’est suffisamment rugueux pour y rouler en vélo. Alors on a passé un appel radio pour dire qu’on quittait l’Anse du Lion et on est partis.

Lise passe l’appel radio

Le vélo, c’est fantastique même sur la banquise. On n’a pas le bruit ou l’odeur des engins à moteur. On a tout de suite une sensation de vitesse. Le vent est froid sur le visage. Mais comme on fait un effort, ça passe. Heureusement que nos mains étaient bien protégées. Le froid ne fait pas de cadeau.

Nous avons fait le tour de Pétrels. Nous sommes rentrés dans le Pré, la texture de la banquise avait bien changé. Elle était plus pâteuse, nous avancions plus lentement. Puis, nous sommes remontés à la base, à pied, parce que la piste verglacée est impraticable à vélo.

Un brillant avenir

Depuis, les vélos ont un succès fou. Tout un chacun les empreinte. De la même manière que pour une sortie à pied, il faut un sac « banquise » (il faudra que j’en parle de cela-là aussi) et il faut partir à plusieurs avec autorisation. Le chef de district nous demande aussi de mettre un casque.

Normalement, la glace rejette le sel en se formant. Mais la banquise est salée – si, si ! J’ai moi-même goutté un morceau pour vérifier — les vélos sont donc très fragiles dans cet environnement. On les lave quand on rentre avec un des rares tuyaux extérieurs qui déverse de l’eau douce : celui qui sert à laver les engins.

Je compte bien réparer les vélos qui sont restés à l’abri côtier. On pourra alors partir bien plus souvent.

3 réponses sur « Vélo sur la banquise »

Salut Rachel,
Chouette le vélo sur la banquise ! Je pense que même mon beau-frère qui est fan de vélo n’avait pas fait ça pendant son hivernage à DDU. Faudra que je lui demande pour être sûr. Ca fait envie… Profites en bien !

Salut Yann, C’est cool d’avoir de tes nouvelles. Le vélo, c’est une immense victoire ! Maintenant la banquise est recouverte de neige et les petits pneus des VTT ne sont plus suffisants. Mais ça valait la peine.

Bravo pour l’opération vélo ! A quand des modèles adaptés à la neige ? Avec des contacts en Norvège, ça peut aider 😉

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